En ce temps-là

En ce temps-là… ou ‘in illo tempore

mais il est rare de rencontrer cette expression dans des écrits et encore plus rare de l’entendre lors d’une conversation, car elle vient du latin, langue morte et donc plus utilisée aujourd’hui chez les humains. Mais chez les ornitho , hein !? …

Donc, naguère, chez les ornitho et les autres, le rendez-vous des épicuriens était hebdomadaire ou bimensuel mais rarement annuel. J’aurais cru ce rythme éternel. Je me souviens… A l’ouverture de la boite en début de semaine l’émotion était certaine et douce comme un duvet, très vite remplacée par l’impatience de ce qui allait être partager. Alors ce duvet éphémère devenait plumes qui grattaient le papier virtuel sous les touches d’un clavier. Je vous laisse imaginer l’ornitho dont les plumes le grattent. Toute une semaine festive à cogiter avec plaisir et lisser les plumes. Quelquefois, la ponte était rapide et le plaisir n’en était pas moins grand. Au contraire, c’était pure jouissance. L’ouverture des boites en fin de semaine procurait une immense joie quand on découvrait l’effet produit de ce partage entre tous. Comme une pyramide de verres où l’on verse en cascade quelque chose qui pétille qu’on va déguster. C’est peut-être ça qu’on appelle une re-jouissance.

Pour répondre aux Plumes d’Emilie et les mots proposés

Léger comme une plume

J’ai l’esprit léger comme une plume. Je suis contente d’être en congés.

Ma collègue m’a proposé de partir en nomades avec sa bande de copains, comme ils en ont pris l’habitude depuis quelques années. On y trouvera ensemble cette liberté qu’ont les forains de partir sur la route et de se poser là où ils le décident.

Ensemble… elle peut toujours repasser. Les uns avaient perdu leurs matériel et véhicules dans les feux de forêt la semaine d’avant. Et puis, les autres avaient attrapé froid les jours suivants à vouloir rester dormir en pleine nature à la belle étoile et finissant souvent sous la pluie.

Alors… on est donc parti toutes les deux, en mini convoi, à vélo, à la découverte de notre monde. Mes sacoches contenaient la tente et les accessoires, nos vêtements et la nourriture. Les siennes, plus petites, étaient remplies de cosmétiques et de médicaments, on en a toujours besoin.

Elle était devant et pédalait à vive allure. Je la suivais et admirais le paysage. Dans les montées je respirais plus fort l’air pur et odorant de la campagne. Je m’arrêtais pour faire quelques photos et garder un souvenir de notre périple. Elle avait chaussé les écouteurs de son mp3 sur ses deux oreilles et n’entendait rien d’autre que sa musique, je m’en rendis vite compte.

Elle m’avait recommandé de prendre un parapluie pliant, on ne sait jamais, il pourrait toujours nous servir d’ombrelle quand le soleil serait trop cuisant. En fait d’ombrelle, je l’ai plutôt utilisé, ce premier jour, en guise de bouclier pour faire décamper le chien de la ferme qui nous a coursé durant les quelques lacets qui nous menaient au col. Au fait, qui disait que les chiens ne font que japper quand… ? Oh qu’importe !

Elle m’a distancée. Je l’ai rattrapée plus loin, plus bas au bord de l’eau, où elle s’était arrêtée. Elle avait eu chaud, s’était douchée et m’attendait pour que l’on s’installe et pour manger surtout. Elle a simplement trouvé bizarre de me voir rafistoler une ou deux baleines dans la soirée, et pensait juste que je m’étais assurer de bon état du matériel avant notre départ…

Pour répondre aux Plumes chez Emilie avec les mots récoltés en cette fin de mois d’aout sur le thème de la caravane: chien, musique, pliant, découverte, camper, soleil, route, repasser, dormir, nature, nomade, liberté, feu, forain, froid.

Ça s’est passé un samedi

Ça s’est passé un samedi.

J’étais allée danser avec mes copines jusqu’au bout de la nuit comme toutes le semaines. Etait-ce notre âge ou le genre de musique ? C’était devenu une passion pour nous trois. Mais ce soir-là, une ombre s’est pointée et tout a tourné au délire. Un regard avait suffi pour que Marie Jo accepte d’absorber cette satanée boisson éventée et qu’elle s’enflamme en un rien de temps comme envoûtée avec ce machin-là. Ah il aurait fallu la voir ! S’il y en avait eu un, le thermomètre aurait dépassé tous les degrés possibles. Puis, petit à petit, elle perdit toute sa fraîcheur. Mais le pire, c’est qu’elle se mit soudain à tousser. Tousser très fort à se faire sortir tripes et boyaux.  En ce temps-là il n’y avait pas de Sam parce qu’on n’avait pas de bagnole, ni téléphone non plus. On était venu à vélo. Alors on a attendu, Martine et moi, sur le bas-côté de la route que la crise de l’autre finisse par passer pour se décider à rentrer toutes les trois, ensemble comme à chaque fois.

C’est ma participation aux Plumes de juin chez Emilie avec les mots de la récolte en gras dans le texte. Bien sûr, les prénoms ici n’ont rien à voir avec des personnes connues. C’était juste pour écrire et poster quelque chose aujourd’hui.

On allait rendre visite à Mémé

C’étaient les jeudis après-midis qu’on allait rendre visite à Mémé.

On chantait et sautait tout au long du trajet. On allait passer un bon moment ensemble. Rien qu’elle et nous. Elle nous attendait devant sa maison. On s’embrassait, se serrait. La petite dernière prolongeait les câlins en plongeant son nez entre ses deux seins, ce qui les faisait rire toutes les deux. Mémé n’était jamais à court d’idées et on savait qu’elle aimait nous faire découvrir et s’essayer à de nouvelles choses et des nouveaux outils.

Selon le temps qu’il faisait ou la saison, on allait d’abord faire un tour à pieds, donner à manger aux bêtes, admirer la nature ou ses dernières confections et on rentrait faire un jeu de société ou bricoler avec elle. On jardinait parfois, ou on faisait des travaux de peinture comme des adultes. Elle nous a appris à tricoter avec de la laine ou des brins d’herbe et nous a montré comment broder nos espadrilles pour les raccommoder ou rafraichir les murs de sa cuisine façon patchwork quand il ne lui restait que des fins de pots.

Puis, par instinct de trop d’amour ou par expérience parce qu’elle voulait nous remercier de partager ces instants de vie, elle prévoyait toujours un super goûter. Sa crème au lait de brebis, qu’elle présentait dans des petits ramequins, était ma préférée. En effet, Mémé avait une « moutonne » qu’elle allait traire tous les soirs, avec un ou deux petits en début de printemps, et le jeudi elle avançait un peu l’heure de la traite car on aimait bien la regarder faire. Elle incorporait à ce dessert deux ou trois bons œufs de ses poules et elle l’épaississait aux perles du japon pour remédier à l’intolérance au gluten ou à la protéine de lait de l’un ou l’autre. C’est ce qui lui donnait cette texture veloutée. On suçait nos cuillères jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une goutte au fond de nos bols. Pour les goules sucrées ou les affamés, elle sortait aussi le pot de miel et des carrés de chocolat noir qu’elle étalait ou râpait sur une galette de maïs beurrée ou des crêpes.

Pour terminer, elle ouvrait sa boite de bonbons en nous proposant un berlingot ou une bêtise en nous faisant promettre de bien se brosser les dents le soir venu. Ils étaient beaux, colorés et sentaient bon. Je me souviens avoir longtemps souri avant d’avoir vraiment compris ce qu’elle nous disait là. Et avant de partir, on se serrait à nouveau et on s’embrassait, chacun à sa manière.

Miel perle brebis crème sein velouté traire chocolat poule berlingot intolérance incorporer instinct étaient les mots récoltés pour les dernières Plumes de mai chez Emilie.

Elle est curieuse

C’est vrai qu’elle est curieuse, et je la regarde faire.

Ivre de joie de me revoir sûrement, comme tous les soirs, elle plonge la main à l’intérieur de mon sac et ressort mon petit flacon de solution hydro alcoolique. Elle mime le geste de s’en mettre et masse ses mains qui font le bruit de papier froissé en commentant qu’elle préfère ça au savon car elle déteste la mousse et surtout le gaspillage de l’eau. C’est vrai qu’elle est curieuse et je trouve ça comique. Elle fouille un peu plus et fait soudain une grimace. Elle extirpe une aiguille qu’elle a coincée entre son pouce et l’index et qu’elle me tend, puis suce le bout de son doigt piqué. Pendant que je range l’épingle dans sa boite à couture, je la vois retourner subitement mon sac et le vider entièrement sur la table pour plus de sécurité sans doute et ne pas se refaire piquer. Un stylo et ma bourse en tombent et quelques feuilles de mon petit carnet s’éparpillent. C’est vrai qu’il est plus léger maintenant. J’éclate de rire et elle rit aussi. Puis elle se met à écrire, ou plutôt dessiner car il faut dire que ça ne ressemble plus vraiment à rien maintenant… et me demande subitement si je suis passée chez la lingère chercher son armure. Je dois la regarder avec un drôle d’air, car elle remet à rire. Et là elle m’annonce qu’elle boirait bien du champagne pour fêter son envol de demain. Grand Dieu, à quoi pense-t-elle donc réellement à cet instant !? Dites, elle est curieuse, non ? Ou est-ce le fait de vivre dans ma bulle qui fait que les autres me semblent bizarres ?

Savon champagne ivre écrire intérieur envol lingère léger éclater sécurité coincer mousse air aiguille armure étaient les mots récoltés pour les premières Plumes de mai chez Emilie.

Comme dans le complexe de l’ornithorynque

Depuis l’enfance, comme dans le complexe de l’ornithorynque, ses pensées ont toujours été très compliquées. 

Il n’a plus trop souvenir de leur première rencontre si ce n’est qu’elle avait quelque chose de tendre. Le rose de sa robe qu’elle portait ce jour-là et qui lui va toujours si bien, ou peut-être son parfum léger qu’elle porte encore aujourd’hui, ou simplement sa voix. Elle n’élève jamais le ton tellement elle est sûre d’elle et rit discrètement quand elle vient de dire une blague.

Ils sont très vite devenus plus qu’amis. Ça ne serait pas différent aujourd’hui. Ils n’étaient pas issus du même milieu, mais ont aimé tout de suite rester serrés l’un contre l’autre. Leurs liens se sont resserrés sans aucune barrière ni aucune distance entre eux, car elle a toujours eu une très grande maîtrise de tout et elle lui propose le mariage. Il ne peut que sourire à ce moment-là alors que son cœur bat à tout rompre. Il sent qu’avec elle, il va savoir se maîtriser et aplanir ses frontières intérieures.

Dans leur vie désormais commune, son esprit ne va plus du tout rester cloisonné dans son espace étriqué actuel. De ce fait, la meilleure de ses idées illumine à l’instant son visage, aussi soudaine qu’une étoile filante, mais bientôt unique, envahissante et persistante. C’est comme ça qu’il est donc parti à la recherche du chevalier servant idéal pour sa compagne. Sans problème il le trouve.

Dès lors il la voit chaque jour bien accompagnée. Il est sûr qu’elle n’a même jamais été effleurée par l’idée de divorcer. Dès le début il la prévient qu’il ne pourra pas avoir d’enfant avec elle et le lui dit. Pourtant une fois, elle lui en a pondu un, dans un jour d’oubli avec l’autre sans doute. Il prend alors conscience que partager la vie d’une femme a mine de rien des conséquences. Les années passent, les jours sont longs et nombreux.

Il se souvient à présent que ce jour-là il y avait un bruit. Un clapotis énorme de canalisations, ou étaient-ils près d’une rivière ? C’est confus dans sa tête, le lieu imprécis, mais ce bruit lui revient à nouveau dans les oreilles…

C’est ma participation aux Plumes 21-06 chez Emilie avec les mots récoltés, en alternant #lecturedumoment #ouvragetextile #boireuncafe et #confituremaison, parfois les mots du livre prenaient le dessus, puis les odeurs sucrées et les mots à placer alors que je venais de me piquer un doigt avec mon aiguille que j’avais prise pour mon stylo et qu’il fallait tourner la cuillère… dans ma tasse, dans le chaudron… je ne sais plus 😉

Danser sur le vert tendre de la mousse

– Danser sur le vert tendre de la mousse, c’est ce que m’inspire ce mois de mars, dit Marguerite.

– M’asseoir sous un arbre et tricoter en regardant les rayons du soleil jouer entre les branches et les feuilles, ajouta Iris.

– Mettre mon chapeau émeraude et aller voir les enfants de l’école jardiner et semer leurs premières graines, poursuivit Violette avec entrain.

– Ce renouveau est un mélange d’espérance et de peur de ne pas savoir me ménager, finit par dire Rose un peu hésitante

– Mine de rien, l’exercice a été fructueux cet l’après-midi, conclut la monitrice aux quatre résidantes, en cette Saint Patrick je vous ai apporté du jus de cactus et du cake au thé matcha pour le goûter avec quelques petits pois au wasabi.

Vert tendre jardiner émeraude rayon arbre renouveau espérance graine peur chapeau danser soleil mousse ménager mine étaient les mots récoltés pour les Plumes de mars chez Emilie

La belle vie des autres

La belle vie des autres

Jocelyne, avait-elle une chance de réagir autrement dans cette affaire qui lui tord le ventre ?

Elle jette un œil à la pièce avant de la quitter. Tout est bien rangé.  Rien ne dépasse, rien ne traîne. L’ordre et la rigueur sont les seuls garants du bon fonctionnement des choses. Le procureur est incroyablement bordélique. C’est une greffière comme elle dont il avait besoin. Il ne s’en serait jamais sorti autrement, Jocelyne en est certaine. Pourtant elle constate qu’il range bien soigneusement les courriers qu’il reçoit de cette jeune femme depuis des semaines dans cette nouvelle boite ornée d’une grosse cabosse dorée sur le couvercle. Preuve à ses yeux qu’elle est devenue plus importante que tout le reste. Et qu’il est capable de ranger quand il est motivé.

Elle arpente le boulevard sous son parapluie en évitant les aspérités et les crottes sur le trottoir. Elle déteste ces gens qui ne respectent rien et qui laissent traîner leur chien. Elle va encore devoir nettoyer ses talons. Il y a pourtant de nombreux distributeurs d’emballages spécialement réservés à cet usage.

Ce soir il lui faudra faire quelques courses pour sa mère. Elle savait que ce serait une mauvaise idée de prendre cet appartement dans le même immeuble. Mais sa maladie invalidante oblige à quelques sacrifices les plus fous parfois, et le désir de donner l’image d’une bonne fille serviable ne lui permet pas de fuir à l’autre bout du pays comme l’a fait sa sœur. Sa mère n’est pas méchante, elle est mauvaise.

Tu arrives tard !

C’est que je t’ai fait quelques courses.

Et tu as taché ta blouse !

Oui, une personne à la cantine à midi a lâché son plateau.

Ça fait négligé ! 

Je la mettrai à tremper en arrivant chez moi tout à l’heure.

Avant de partir, sors ma soupe du frigo, pose-la au chaud sur le bord du fourneau et mets un couvercle.

Elle s’exécute, et elle s’accroche à l’idée que les quelques marches et les deux étages qui les séparent l’une de l’autre est une sacrée chance pour elle. Que serait leur vie si elle était commune ?! En claquant enfin la porte de son modeste studio, elle s’appuie un instant contre le mur et ferme les yeux. La paroi dans son dos semble presque tiède comme un câlin. Elle n’en a jamais connu de la part de sa mère, seule sa grand-mère, décédée depuis si longtemps, portait sur elle un regard bienveillant. La seule « douceur » que sa mère lui propose parfois, c’est un carré de cette vieille tablette, au goût suranné, qu’elle conserve au frais derrière le récipient à soupe depuis que sa fille a eu la folle idée de lui acheter et gaspiller son argent. Il faut savoir limiter ses plaisirs, lui avait crié sa mère au lieu de lui dire merci. Il y a de quoi broyer du noir. Pourtant, sa grand-mère disait que c’est le chocolat que devrait souvent prescrire un médecin à ses patients. Puis elle se met à imaginer la vie de la femme du procureur, et elle sent monter en elle ce mélange de colère et tristesse. Puisqu’elle ne peut pas être sa femme, elle prendra sa défense. Même s’il avait eu la généreuse attention de partager et lui offrir le dernier chocolat de cette belle boite. Elle se souvient l’avoir fait fondre longtemps entre sa langue et son palais pour le déguster. C’était comme s’il lui avait offert toutes les viennoiseries et pâtisseries de la vitrine d’en face qu’elle regarde souvent avec envie et dont elle se prive depuis toujours. Mais était-ce une manière de la soudoyer, elle, qui s’applique à rester droite et ne pas sombrer dans la luxure ? parce qu’il a placé cette boite maintenant bien en vue pour la narguer, elle en est persuadée. Alors tant pis, il ne s’en tirera pas comme ça. C’est honteux de ne pas voir le mal qu’il fait ou qu’il est sur le point de faire. Honteux, mais il n’en reste pas moins bel homme, avec ce regard ténébreux et ce corps bien bâti. Tout le problème est là.

C’est un extrait de ce livre « Dans le murmure des feuilles qui dansent » de Agnès Ledig, rempli de personnages aussi attachants les uns que les autres, auquel j’ai ajouté les mots récoltés pour participer aux Plumes 21.04 chez Emilie.

Serait-il encore question d’annulation ?

Comment ? Serait-il encore question d’annulation ?! Oh non !

Les élèves ont travaillé sur le sujet, se sont décarcassés et espèrent bien porter cette machination à son terme. Ils ont tout de suite été emballés par le projet et l’ont accueilli avec enthousiasme et empressement. Ils ont cherché et trouvé des idées merveilleuses. On n’était pas loin d’affrontement parfois qui virait vite à la fanfaronnade.

Ils parlaient d’un défi un peu fou, le résultat est bluffant. Ils ont promis de tenir et remplir le cahier des charges en tous points. Chacun sera masqué de façon originale. Tout le monde portera une grosse tête qui lui couvrira correctement le visage et suffisamment ouverte et aérée sur l’arrière pour pouvoir garder cette structure durant toute l’exhibition. Une énorme femme-pantin vêtue de mille carrés de couleurs représentera Carmentran assis sur un char en bois. Et c’est l’ensemble qu’on brûlera le soir venu.

C’est Mademoiselle Merle, l’ancienne surveillante générale, qui les a inspirée. Celle qu’ils avaient surnommée Elmer depuis la nuit des temps pour se moquer de son caractère et de ses robes aussi sombres que l’oiseau éponyme. C’est elle aussi qui ne leur autorisait, comme seul moment de culture-détente durant le carême, l’entrée de la bibliothèque qu’en silence uniquement et sans musique, en confisquant les écouteurs et baladeurs des plus hardis, et qui privait de beignet celui ou celle qui ne respectait déjà pas les règles le mardi-gras. Oui, ils ont osé et ne se sont pas privés de dire tout ce qu’ils pensait d’elle.

C’est ma participation aux Plumes 21.03 chez Emilie avec les mots récoltés en gras.

Les petits biscuits de tante Gertrude

Connaissez-vous les petits biscuits de tante Gertrude?…

Non, sans doute, si vous n’habitez pas la Touraine. Mais ici, tout le monde les connaît, que l’on soit riche voire Président débordant de culture, ou pauvres et mendiants, grands et petits, les petits surtout. Oui, elle adore les gens. Les enfants surtout, et ceux-ci de leur côté, l’aiment bien aussi, je vous assure.

Dès que tante Gertrude a deux ou trois enfants autour d’elle, elle a toujours de belles histoires à leur raconter et une boite d’amuse-gueules à ouvrir pour retenir les plus petits ou les esprits vagabonds. A ceux qui les mangeront à la vitesse que prennent les bulles de champagne pour sortir d’un verre, elle leur lâchera en plissant rapidement deux ou trois fois ses sourcils au-dessus de son regard bleu qu’on ne fait pas la course, que leur bouche n’est pas une poubelle et que chaque instant doit se savourer.

Elle a l’âme poétique et donne formes et saveurs particulières de saison à ces croquettes et crackers de toutes sortes. Et pour Noël et la fin d’année, même si elle mêle toujours les mêmes ingrédients sur un lit de farine, ce sont des sapins qui sortent de ses mains et qu’elle offrira en cadeaux.

Avec les mots proposés et recueillis chez Marina pour terminer l’année en douceur.

Le petit Bosco file sur l’ancien chemin de halage

Le petit Bosco file sur l’ancien chemin de halage.

Les bateaux à vapeur et les péniches aux chargements bâchés descendent le fleuve jusqu’à la mer. Il marche vite, droit devant lui. Tantôt, il aurait fait un signe de la main aux mariniers en criant qu’un jour il prendra leur place, mais là, il a plutôt envie de se cacher de honte ou par pudeur, et surtout par tristesse. Un brouillard dans ses yeux l’aveugle. Sa mère n’a pas mieux choisi que le jour de son anniversaire à lui, pour annoncer à tous qu’elle s’était mariée pendant son voyage à l’étranger. Les regards se sont tournés vers elle. C’était donc là son secret dont elle faisait mystère depuis quelques mois. Alors ce matin, sans plus en dire, il a décidé de mettre les voiles. Il a juste pris son sac à dos, et posé sur ses épaules son perroquet qui s’accroche à son nouveau pull bleu marine.

Et avant de fermer la porte, il a vérifié que ses écouteurs étaient bien fourrés au fond de sa poche. Sans bien chercher à les convaincre d’ailleurs, elle leur avait vaguement expliqué hier au soir pendant le dessert qu’elle n’avait jamais souhaité de grande assemblée, et qu’ils pouvaient tous comprendre sans devoir argumenter et délibérer devant un imposant conseil. Elle menait sa vie comme bon lui semblait. Alors lui-aussi a décidé et a choisi de n’échanger ni avec elle, ni personne. Il sait que son départ fera débat au sein de la famille. Qu’importe !?

Aujourd’hui, imperscrutable et sans en causer à quiconque, il va partir et les quitter tous. Est-ce ainsi que Marie-Béatrice croyait épater ses amies et sa famille en épousant cette brute !? C’était bien la peine de parler d’altruisme à ses triplés durant leur enfance. Qu’en reste-t-il ? Était-ce utile de leur asséner ces paroles et ces articles si vite périmés ? Il sait qu’agir de cette manière va le mettre dans une situation précaire, qu’il ne choisit pas la sécurité, mais il n’a pas envie de capituler. Il est perturbé, un feu brûle dans sa tête. Sacrebleu, ce sera terrible pour Mémé qui l’a tant aidé à remplir ses pages d’écriture. En pensant à elle, il touche sa poche située juste sur son cœur, et tâte le recueil des poésies dictées par son maître qu’elle aimait l’entendre réciter. Et les crêpes au beurre au parfum subtil et sublime de fleur d’oranger qu’elle lui faisait déguster. Tant pis ! A chaque pas, il glane rageusement d’une main crispée les épis de graminées sur le bas-coté. Ses doigts sont abîmés. Ses yeux brillants sont injectés de sang comme des rubis, ses orbites sont creusés. Lui, si calme d’habitude, a des envies de meurtres.

Il atteint les remparts. Ce n’est plus en mètres que se compte la distance qui le sépare de la maison, mais en dizaines de kilomètres maintenant.

Pour répondre dans l’ordre aux Plumes 14.20 chez Emilie avec les mots recueillis sur le thème Voile (mariée, vapeur, mystère, perroquet, bosco, cacher, pudeur, marine, secret, mer, anniversaire, brouillard, bleu, bâcher), au défi 123 chez Ghislaine avec 8 mots (débat, convaincre, argumenter, échanger, expliquer, délibérer, écouteurs, assemblée)  sur le thème Réunion et au Mot mystère 26 chez LilouSoleil dont les mots anagrammes de imperscrutable sont en italiques.

Elle s’est adossée au mur à palabres

Elle s’est adossée au mur à palabres pour l’attendre en cette fin de journée.

Arrivée la première comme d’habitude, elle s’est assise sur le banc de craie, là où ils discutent tous les deux pendant des heures. En bi-coloriage avec des paroles sans fin, des discussions à imaginer un monde idéal, leurs échanges sont des plus chimériques. Ça la détend.

Parfois il vient avec un pote. L’autre jour, c’étaient un rêveur orbicole avec qui il partageait ses goûts et ses idées d’oniromancie. Avec qui viendra-t-il ce soir ?

La lune est claire, et pourtant un éclair corail et agile zèbre soudain le ciel et lui donne un teint boréal. Il annonce peut-être l’orage prochain.

Impatiente et soucieuse, elle bigle sur l’horizon obscur devenu cirage à présent. C’est qu’il travaille loin, au robage de cigare à la fabrique de l’autre côté du bocage.

Les yeux dans le vague, elle n’arrête pas d’enrouler autour de son index, un petit papier qu’elle a sorti de sa poche où elle avait noté sa liste des choses à faire aujourd’hui. Oh misère, elle a trop brodé et son doigt la fait souffrir. Elle était obligée finir ce boléro bariolé, très coloré. Elle regarde sa main, ce bandage de papier, chiffonné maintenant, qu’elle loge aussitôt dans une cavité du mur entre pierre et argile, et se lève pour se dégourdir les jambes et les bras en sautillant. Elle aperçoit enfin la silhouette gracile, sur un fond de ciel libre et élargi tout à coup.

Il est seul, lui fait signe de ses mains qu’il agite au dessus de sa tête et avance en cabriole et pas de danse comme s’il avait une superbe musique dans la tête. Il l’imite tout simplement et rigole. Heureuse, elle se rassied sur le banc de craie et s’adosse à nouveau au mur à palabres.

Pour répondre à des mots, une histoire chez Olivia avec les mots de la récolte 50 (liste, palabre, misère, mur, oniromancie, danse, chimérique) et au défi du mot-mystère 25 chez Lilou avec les mots anagrammes de acribologie en italique.

Le ciel était bleu hier et le vent de nord-ouest soufflait fort

Le ciel était bleu hier et le vent de nord-ouest soufflait fort.

Maman nous a fait poser les sacs de tourbe dans sa torpedo pour les vendre au marché. Avec l’argent on pourra réparer le toit écroulé de la grange qui obstrue le passage dont les poutres forment un vieux turbeh et passeront au rebut et en bois de chauffage cet hiver.

Pendant ces semaines sans école, elle nous a appris à labourer et à tisser en expliquant ce qu’était le boustrophédon, à bien doser les épices dans la soupe et la poudre à lever dans les gâteaux, à ramasser les œufs pondus sans ôter le leurre pour les poules, à buter les turneps, à opter de réciter quelque strophe plutôt que de bouder de trop suer sous le vent et la chaleur et de craindre de puer. 

Aujourd’hui, nous brodons les boutons plutôt que de les coudre, savons cuisiner presque aussi bien qu’elle de fameux brouets pour accompagner les tournedos du dimanche, ne faisons plus les bourdes du début, n’avons plus besoin de quelconque promesse pour nous booster et sommes plus soudés, à ce qu’elle dit. Elle doit être fière des résultats obtenus, car elle ne nous appelle plus « mauvaise troupe ».

Le ciel est bleu et le vent de nord-ouest souffle fort. C’est le premier jour de l’été et dans une semaine, ce sera la rentrée.
-On est sans doute sur la bonne voie cette fois-ci, a dit notre mère, cette date tombe à pic.
On la sentit de très bon poil soudain, comme si ce petit rien l’eut délivrée d’un poids.

C’est vrai qu’à cette saison, elle se doit de garder courage et ne donner aucun signe de faiblesse, car les travaux de force ont commencé et vont se poursuivre quelques mois encore.

Au coucher, après le fricot du soir comme d’habitude, que certains ont bâfrer, ce qui l’a un peu énervée, sans toutefois lui faire perdre patience, elle borde le petit et nous remercie d’un baiser sur la joue pour l’avoir bien aider et pour les efforts qu’on a su fournir dans la journée. Puis elle permet, à nous les plus grands, de laisser notre lampe éclairée pour lire un peu mais fait promettre d’éteindre dans une demi-heure tout au plus.
C’est une femme qui excelle de douceur et de tendresse, au caractère égal, mais reste intraitable sur certaines choses à ne pas négocier.

Cependant ce soir, le ciel est bleu sombre, le vent souffle encore et on subodore un heurt dans ses mots, ses paroles ont fait des rebonds dans sa bouche et sa langue un détour, comme si son bonheur allait s’user tout à coup. Alors prudents, nous pouvons oser un regard interrogateur.
-Demain je dois me rendre chez le meunier, répond-elle.
C’est Honoré, un homme de corpulence massive qui porte la tonsure et se dit abstème (mais ne peut duper personne) et vecteur d’ondes malsaines qui me donne envie de fuir. Le ciel sera-t-il encore bleu ?

J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce texte pour répondre aux Plumes 13.20 chez Emilie sur le thème Force avec les mots recueillis en gras, à Des mots, une histoire chez Olivia avec la récolte 49 dont les mots sont en gras, au défi 122 chez Ghislaine avec 8 mots en gras sur le thème Saison et au Mot mystère 24 chez LilouSoleil dont les mots anagrammes sont en italiques.

 

En rentrant de la foire à la nuit tombante il s’arrête toujours ici

En rentrant de la foire à la nuit tombante il s’arrête toujours ici.

Il dépose son biclou contre le grand feuillu, tout fleuri à cette saison. Il relève sa freluque un peu folle qui lui tombe sur le front, et fouille dans sa poche pour trouver son mouchoir. Il a eu chaud et s’essuie le visage, puis le replie avant de le ranger. Il prend son temps pour se remettre de ses émotions. Alors il avance et piétine une bouillée d’herbes fraîches comme un fouleur de raisin pour se débarrasser de la terre qui pourrait être collée sous ses souliers, même si le temps est bien sec comme ce soir. C’est ce qu’il répond si on le questionne. Il fait des yeux tous ronds qui pointent vers l’infini, il est trop drôle, un peu loufoque aussi, et approche sans me voir à la fenêtre, comme si sa tête était soudain vide et toute idée absente. Je souris car je connais ses gestes par cœur.

Il est fidèle le Clodio, et à l’heure pour venir manger son fricot. Ce soir ce sera le ragoût de poisson de ma mère, tenu au chaud sur la cuisinière pour qui viendra céder aux arômes et douceur de la rouille déjà posée dans des bols sur chaque table. Il vont être nombreux à entrer, car on aperçoit la lueur des éclairs au loin.

Il annonce la foudre et la colère du ciel en posant bruyamment la bouteille de cidre qu’il apporte à chaque fois. Il a entendu la chouette ululer très fort dans la montée et sa douleur au genou lui recherche querelle, ce sont des signes, affirme-t-il. Mon frère me donne un gros coup de coude, et rigole silencieusement en me montrant que ce clodo se gratte le froque au niveau de la couille. Ma mère l’houspille illico avec son torchon qui nous frôle, nous renvoie coudre et floquer comme elle nous l’avait demandé et dit qu’elle devra sûrement en découdre avec son jeune fou pas très docile. C’est sa façon de s’excuser auprès de ce bon drille. Je pars fâchée contre ce querelleur de frangin, s’il recommence, je lui croque l’oreille.

Je l’aime bien moi, Clodio, il a toujours de belles histoires à raconter, avec des mots venus d’ailleurs, c’est un peu mon idole. Après manger, il reste assis à écouter les autres ou à dire à son tour. Alors il croise ses mains ridées et les ouvre juste pour regarder l’intérieur des paumes comme si un texte y était noté, et le voilà parti à fermer et rouvrir ses mains comme des ailes de papillon, et à parler sans fin. Il a beaucoup voyagé et fait toutes sortes de métiers, quelque peu ludique, comme quilleur dans un grand bowling de bord de mer, et aussi cilleur à la volerie des aigles, godilleur en marais poitevin, cueilleur de gousses de vanille quand il était dans les îles, tout juste défroqué après avoir été prêtre. Et c’est pour ça que mon frère l’appelle Frollo.

En réponse au défi 121 chez Ghislaine avec les 8 mots en gras, et au défi du mot-mystère 23 chez LilouSoleil formé des lettres « eee i oo uu cdfq ll r » dont les mots anagrammes utilisés sont en italiques.

Quelques pages de mon livre

« Et si tu me lisais quelques pages de mon livre », propose-t-elle dans l’après-midi.

« Comprends-tu maintenant, avec mes yeux de taupe, je ne peux plus lire n’importe quoi, il faut que ce soit écrit très gros; j’ai bien ma loupe mais ça n’est pas bien commode dehors…
-Oui, je le veux bien, sans souci.
Elle me tend son bouquin, un peu vieilli à force d’avoir été feuilleté, de la collection Le Masque avec un dessin d’empreinte digitale ensanglantée sur la couverture jaune, où je peux lire La ravissante idiote de Ch Exbrayat.
Je souris, je m’étonne du dessin et du format, le retourne, la regarde, elle a les yeux pétillants et son regard filou.
-C’est un roman d’espionnage Mémé !? avec une couturière, il me semble et…
-Pourquoi ? Qu’est-ce qui te dérange ?
-Oh rien, sauf que l’histoire n’est pas nouvelle. N’t’inquiète pas, je vais redécouvrir. C’est d’ailleurs marrant, je crois !
On s’assied sur la terrasse à l’ombre du lilas et j’ouvre…
C’est un carnet de recettes écrit de sa main et sur la page ouverte est noté Pastilla de pigeon aux amandes, coriandre, miel et cannelle…

Pour répondre à des mots, une histoire chez Olivia avec les mots de la récolte 48 (couverture, espionnage, taupe, filou, masque, empreinte, pigeon).

Quel est ce type qui porte son luth dans sa hotte et entre dans sa hutte ?

Quel est ce type qui porte son luth dans sa hotte et entre dans sa hutte ? demande le loup à la poule et son poulet.

La pauvre savait qu’il les voyait déjà au pot. Craignant son pouque, elle ferme sa goule, écarte le petiot, avale sa glotte soudain lourde comme un plot, perd le goût et devient presque muette comme une carpe alors qu’elle rêve de devenir lotte pour s’aplatir à terre.
Elle glou… elle glougloute et prononce : « Voyez Mère l’Oye ! »  avant de s’écraser sur une pierre où son bec grave un trait profond et imparfait.

L’autre, fan de typo ne pensant qu’à son jeu, accourt avec sa loupe prête à trouver un pou :
Oyé la quête, qu’elle est- elle ? Ah quelle glyphe magnifique pour ma future glyptothèque !

Un phoque sort de l’eau, un toupet sur la tête en guise de toque.
Curieux de phyto et de glypho, il approche à ces nouveaux mots avec des bruits de touque qu’on ouvre.
Sa toge luisante comme de la glue pègue un peu et passe de pelote en loque au soleil.

La mère palmée lui jette un œil et l’interpelle :
Hey  mon pote Gros Guy, te voici tel un tableau légué par Loth !

La poulette à la houpette raplapla se retape et ouvre un œil, puis l’autre et dit respectivement :
Loup… Phoque
-C’est vrai, répond Mère l’Oye, un peu fou tout ça tout de même !

Sur la proposition de Lilou,
le mot mystère 21 à découvrir avec les lettres et la définition données est « glyptothèque »,
et les mots formés de ces lettres en italique que j’ai utilisés.

Ils sont venus jouer

Ils sont venus jouer à plusieurs et sont d’abord passés à côté du violon.

D’une main baladeuse, inconscients et tranquilles, ils ont tous gratter de leurs doigts sur ses cordes mais aucune révélation n’en est sortie, alors ils l’ont dédaigné et laissé dormir.
Tout était préparé et rangé, déballé et trié à leur intention. Chacun criait à tort et à travers avec la seule volonté de vouloir gagner.

Le plus jeune des deux frères était déguisé en indien et s’éclipsa sous le tipi. Puis il en est ressorti tout souriant et content de lui. L’autre de la fratrie patiemment attendait.
Quelque chose a turlupiné les nouveaux sans doute, car ils ont tous voulu se déguiser eux-aussi et rentrer sous l’abri à tour de rôle pour connaître ce qu’avait ressenti le petit et qui l’avait tant ravi. Usant maintes manigances, ils étaient très curieux et prêts à soudoyer l’un et l’autre et à dépenser forte séduction pour aller le premier au bout du suspens. Et puis ils sortaient de ce refuge, l’un après l’autre, ahuris et déçus.
Alors ils ont demandé explication au mignon absorbé à dessiner un amabié coloré sur une feuille de papier. Il avait simplement caressé le chat Mistigri qui lui avait souri. C’était subtil mais ça lui portait chance pour toute sa journée.
Tous crièrent à tort et à travers avec la seule volonté de tout foutre en l’air. Avec mépris en voyant là de l’abus, ils décidèrent de partir. Très énervés et se croyant trompés, ils donnaient des coups de pieds dans les boites, vidant les jeux à leur portée, jetant et répandant les jetons à terre sous les yeux atterrés de celui qui les avait invités.

Pour répondre à des mots, une histoire chez Olivia avec les mots de la récolte 47 ( tipi, révélation, turlupiner, tranquille, amabié, dormir), aux Plumes 11.20 chez Emilie avec les mots proposés sur le thème du jeu ( rôle, subtil, violon,gratter, jetons, chance, ahuri, dépenser, manigance, mistigri, séduction, suspens, soudoyer) et au défi 120 de Ghislaine avec les mots proposés (jeter, trier, ranger, vider, abus, refuge, mépris, volonté) ou sur le thème du « changement ».

Le camerlingue en carlingue

Le camerlingue en carlingue

Il est monté le plus vite possible dans sa carlingue tirée par ce cheval ramingue.
Une silhouette gracile et son allure est inégale. Il faudra sans tarder passer ses sabots et ses fers sous l’enclume de la forge. Ou, l’animal est-il aussi cinglé que son maître est camé !? C’est que la galerne souffle fort et le ciel est bien rincé à présent.
Tout pourrait aller plus vite si le vent ne venait pas en pleine face et si cette bête ne s’arrêtait pas à chaque coin de rue pour enlacer de sa langue un graminée ou un géranium, ou si elle n’allait pas se câliner au linge fraîchement étendu. Elle meuglera la lingère, de belle manière et elle aura raison.

Meugler… comme sa géniale Marceline le faisait naguère quand il était gamin et qu’elle procédait par exemple au rinçage de ses oreilles débarrassées de cérumen à l’eau claire au dessus du légumier, pendant qu’il rêvait de sa luge en voyant tomber la neige par la lucarne.
Et s’il ne se tenait pas bien, elle lui promettait, dans une clameur animée, de l’encager dans la glacière ou de le mettre à la tâche de l’écalure des cerneaux de noix qui allait lui rendre la paume des mains toute granulée.
Et s’il s’en plaignait, elle le repoussait de sa gorge élargie, en le traitant de mélangeur d’idées toujours prêt à l’engamer et la laminer, et puis le sommait de cesser son manège ou d’aller se faire f… et enculer par le camerlingue, ce gros mangeur peu éclairé.

Si elle savait tout aujourd’hui !  C’est lui, devenu le camerlingue en carlingue, qui est attendu de toute urgence chez le SP.
Tiens, il longe la galerie de l’algérien où plus jeune on y fumait le narguilé
Il a troqué son pantalon élimé, sa tunique maculée et son vieux galurin contre son habit carmin. Il égraine son chapelet et tient son recueil de la même main. De l’autre, il tient le rêne.
Il entend au loin tinter une clarine. Il approche donc de SP et a compris depuis longtemps qu’il échangerait rapidement sa charge curiale contre un ministère plus régalien. Malin, l’ami, pas besoin d’être Merlin.
Il sait qu’il culminera bientôt ! Il cligne un œil vers le ciel en pensant au nom dont s’affublait Marceline : la miraculée !
Dans l’immédiat il devra affronter une atmosphère plus minérale à l’ambiance glacée, et préparer une élégie digne de l’ère nucléaire actuelle qu’il lira demain.

Sur la proposition de Lilou,
le mot mystère 20 à découvrir avec les lettres et la définition données est « Camerlingue »,
et les mots formés de ces lettres en italique que j’ai utilisés.

 

Mémé avait peur d’oublier

Mémé avait peur d’oublier…

Elle craint toujours, et chaque jour doit trouver assez d’énergie pour stimuler sa mémoire. Le changement a déjà été énorme pour elle quand elle n’a plus pu voyager autant qu’elle l’aurait voulu et a du abandonner sa fonction de sniper. Elle a bien sûr mesurer le pour et le contre. Elle a évalué cette vaste fatigue accumulée au fil des mois et années, de ses rapides allers et retours, sous diverses latitudes. Elle a pesé entre la liberté qu’elle allait perdre et sa santé à préserver, ce trésor, qu’elle pourrait garder. Et elle a finalement opté pour le côté positif de cette affaire. Elle allait rester et profiter enfin. Mais aujourd’hui, à la longue, elle redoute l’abêtissement.

Mémé n’a jamais beaucoup parlé de son métier, beaucoup ignoraient même ce qu’elle faisait, elle a toujours été une femme réservée. Aussi quand je lui dis que j’avais retrouvé ses carnets dans le grenier, je vis là une aubaine à lui donner ce courage dont elle avait besoin pour garder le cap, et partager encore de bons moments conviviaux et familiaux. Son œil brilla et un rire enchanteur découvrit ses dents jusqu’au fond de sa gorge. Une larme de joie et un éclat de tantale sur sa molaire gauche firent apparaître des étoiles dans ses yeux et sa bouche.

Mémé a sauté à pieds joints de son fauteuil et me demanda expressément d’arrêter de tergiverser et de cesser d’être pinailleuse à ce point. Elle insista alors pour que j’aille chercher tout ça tout de suite et que je l’apporte dans son cabinet, qui n’est autre que notre salon de famille, où nous sommes quotidiennement. Il faut la voir ! Elle a les yeux d’un bleu profond, attirant et c’est extrêmement difficile de fuir son regard envoûtant. Convivial, oui, ça va l’être ! Familial, un peu moins car certaine chose restera entre nous deux. Je crois comprendre qu’il y a quelque secret à ne pas divulguer.

Mémé passe la main sur le paquet avant de l’ouvrir. Le tout est comme je l’ai trouvé, bien conservé et ficelé dans un emballage kraft qu’elle défait avec soin. Elle prend son temps et savoure chaque seconde, elle empile les cahiers suivant un ordre très personnel en formant des petits tas bien parallèles, comme si elle cherchait un dossier précis. Subitement et précieusement, elle pince une double feuille entre deux doigts, la tire et me fait signe d’approcher ma chaise en silence. C’est un courrier…

Mémé sourit, son visage est devenu rouge et étincelle. On dirait qu’elle a rajeuni soudain, et ressemble à un cardinal parti conquérir une contrée inconnue au delà de l’équateur.

Je remercie d’abord les proposeurs de défis et de mots, avec beaucoup de plaisir, je réponds là :
au défi 119 chez Ghislaine avec les mots proposés (regard, fuir, peur, réserver, donner, énergie, famille, cap, stimuler) et sur le thème du face à face,
à des mots, une histoire chez Olivia avec les mots de la récolte 46 (cabinet, tergiverser, tantale, abêtissement, pinailleuse, emballage, partager, convivial, sniper)
et aux Plumes 10.20 chez Emilie  avec les mots recueillis d’après le thème latitude (changement, voyager, étoile, mesurer, équateur, positif, vaste, parallèle, liberté, trésor, cardinal courrier, conquérir) 

et je continue mes ouvrages avec mes plus petits bouts de laines et tissus.

A la queue leu leu

Un groupe de personnes, une dizaine à peu près, marchaient à la queue leu leu.

Des randonneurs du troisième âge se suivaient ainsi chaque trimestre, pas plus souvent et par jour de beau temps seulement, tous espacés d’un bon mètre ou deux, suite à une habitude prise depuis le printemps légendaire de l’an XX qui avait marqué tout l’univers des terriens.

Ils voient un poulet au bord de la route, qui la traverse subitement.

-Pourquoi ce poulet a-t-il traversé la route ? dit l’un
A chacun sa réponse, et de participer ardemment au piaillement d’une basse-cour humaine tout juste sortie du poulailler.

-Pour aller de l’autre côté, pardi

-Pour laisser ses empreintes dans la boue fraîche. Regarde celles du tracteur sont encore visibles ici.

-Fait un drôle de bruit cet engin. Problème de courroie. Va pas travailler longtemps.

-C’est fou comme la brume du matin peut humidifier l’air et la terre en cette saison.

-Et je me demande si ces frimas sont bien bons pour la floraison des pruniers.

-Sans vouloir te froisser, t’as vu la tête du poulet ? Plutôt dodu, à mon avis c’est une poule ! Et cou-nu en plus de ça!

-Je te mets au défi de reconnaître un ornithorynque qui sortirait d’un terrier.

-C’est quoi ça, un produit de la ferme ?

-En quelque sorte, que l’on fait cuire à l’envers attaché au bout d’une cravate dans une lessiveuse remplie d’eau bouillante.

-Ecoutez le clapotis dans les fossés et les canaux…

-C’est le paysan qui vient d’ouvrir les vannes

-Où ça ? où ça ?

-Là-bas, près de la cabane. Il a arrêté son moteur et on aperçoit son chapeau au-dessus des grandes pousses.

-Bon, on continue notre tour, oui ou non ? on avance à rien à vouloir construire le monde avec des mots !

Pour sourire et répondre, à la queue leu leu, au défi 118 chez Ghislaine avec 8+2 mots (empreinte, visible, brume, froisser, envers, légendaire, clapotis, frimas, cou, pousses) ou le thème « Temps », aux mots, une histoire chez Olivia avec les mots de la récolte 45 (moteur, mots, terrier, ornithorynque, chapeau, cravate, cabane) et aux Plumes 9.20 chez Emilie avec les mots du thème ferme (tracteur poule, produit, lessiveuse, travailler, ouvrir, poulailler, paysan, dodu,  prunier, terre, construire, continuer, courroie).