Le ciel s’est couvert

Le ciel s’est couvert de Raymond Queneau

Le ciel s’est couvert de boue et de brume
L’asphalte pâlit
Tous les pieds sont noirs
Un cerceau jaillit propageant l’écume
Le ruisseau s’étend face au boulevard

Le ciel s’est couvert de pluie et d’enclumes
L’asphalte verdit
Tous les troncs sont noirs
L’abeille alertée a soigné son rhume
Ça cocotte un peu près de l’urinoir

Le ciel s’est couvert de rage et de plumes
L’asphalte blanchit
Tous les chats sont noirs
Un train se déplace en criant tummtume
Un flic s’est mouché dedans son mouchoir

Le ciel s’est couvert de pus d’apostume
Le ciel a fondu
Tous les trous sont noirs
Une fille embrasse un aimé jeune hume
Un vendeur veut vendre un journal du soir

Les neuf chats sur cet ouvrages sont tous verts, couleur apaisante, rafraîchissante et même tonifiante, qu’on associe souvent ici à l’espoir et à la chance.

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La brocante de juin

Approchez pour la brocante de juin,

Approchez mes voisins, mes copains, mes cousins,
Car dans quelques jours c’est l’été.
L’été revient et toutes ces folies et dérisions,
Retour des amis et leur déraison.
Y’aura d’abord Maud qui voudra arroser son bac à Laure et A,
Ou quelques trois ou cinq fois plus que ça
Puis y’aura Mauricette qui prendra et fêtera sa retraite
Sans jamais avoir eu son baccalauréat,
Alors Mortimer partira chez sa mère au bord de la mer,
Et Mohamed rêvera du Club Med à Bab el Oued
Y’aura Momo avec son nom sur son maillot,
Le seul qu’il sache écrire avec des m et des o,
comme les vieux, disait-il, avec des cannes et des os.
Ce sera l’été, la plus jolie des saisons et le retour des maux,
Vaises habitudes de quelques cafards abrutis et leurs sales timbales,
qui ne banquent même pas avec des m…euh d’excuses ou des mots gentils.
M’autorisez-vous à déblatérer et piocher des mo… sans haine
comme je peux le faire pour mes tricots de laines ?
Les mosaïques ornant les tables en terrasses,
Chaudes en couleurs comme les chapiteaux de cirques,
Les monopoly dépliés pour les jours de pluie,
Ou le mortier écrasant comme la chaleur de l’été.
Le morbier ou tout autre fromage après le potage,
La Morelle de Balbis pour épater Isabelle et Barbie
Les morcelés trouveront leur dessert glacé trop gelé,
Les mojitos alcool-citron-menthe non appréciés des lève-tôt,
Et les motards vrombisseurs haïs des couche-tard,
Le motoculteur pétaradeur du voisin dont j’ai horreur,
Le monnayeur en panne me signalant d’aller ailleurs,
Les motocyclettes en va-et-vient bruyants à casser nos têtes,
Les momifiés sur les plages étalés à se cramer,
Les monogames reluquant et rêvant d’être polyg…
Les monégasques polis jamais las de toutes ces frasques
Une morphologie de rêve et un corps d’Ève,
Dans un monokini pour un temps, car avec l’âge allant c’est fini ou très défraîchi,
Les mocassins râpés, usés et mouillés par l’eau du bassin,
Du moniteur devenu maître nageur,
Une modestie sans fin,
Par émotion
Pour une motion
Un mode d’emploi que je n’ai pas,
Une mort subite avalée pour oublier la suite…

Approchez pour la brocante de juin,
approchez mes voisins, mes copains, mes cousins,
car dans quelques jours c’est l’été,
et ce sera l’heure et le temps de trouver les mots et tout célébrer.

C’est ma participation à l’Agenda Ironique de Juin proposé par Vérojardine sur le thème de l’été au rythme des mots de la rue Kétanou quand la rue est partagée à cette saison, et que l’espace de chacun doit être respecté, et tous les textes de la brocante de juin sont là.

Palette et Plume d’expression fragile

Palette et Plume d’expression fragile

Pour nourrir l’âne, on devait aller chercher le foin,
Alors on a marché longtemps, pourtant ce n’était pas loin.
Là dans l’air brûlant de l’après-midi, elle a perdu ses escarpins,
Et les moustiques dansaient avec les maringouins,
Tourbillonnaient et nous piquaient avec soin sans besoin,
Tant et si bien qu’on a fini par arriver chez les pingouins.
Enfin, on vit leurs œufs.

Elle les a peints de couleurs vives, fallait voir ses frusques.
Trop pressée, elle faisait des mouvements brusques,
Puis se grattait la tête, mettait ses cheveux en lambrusques,
Lentement elle se grimait la face comme chez les étrusques,
Une envie soudaine de se donner un air de mollusque !?
Magnifique Apolline que rien n’offusque
Et n’émeut, ou juste un peu.

D’ailleurs il faudra la convaincre et qu’on l’emmène
Effectivement dans cette maison spéciale pour schizophrènes
Xénélasie exigée de ce monde par de méchantes graines.
Patiemment on en a déjà parlé de sa dégaine et de cette gêne
Ressentie, rarement appréciée de certains par dizaines.
Elle paraît prendre ces remarques comme une rengaine,
Semble se jouer de tout ce qui se dit autour de ça, l’inhumaine.
Seulement le jour viendra, elle sait, en est certaine,
Ici, avec les gens qui l’aiment, elle se sent forte comme un chêne
Oublie qu’elle n’est pas reine dans son domaine,
Nargue d’un pied de nez et fait un vœu.

Faut pas croire, elle se battra, se démènera l’énergumène.
Rien ne sera facile, faudra peut-être demander de l’aide urbaine.
A moins que… j’ai une idée ! aucune n’est vaine.
Gauchement, mais rapidement je lui tricoterai une mitaine
Illico elle l’enfilera voulant ressembler à Philomène
Lèvera la main et prendra, encore une fois, son air froid qui m’enchifrène,
En attendant, on ne fait pas toujours ce qu’on veut.

C’est ma participation à L’agenda Ironique de mai proposé et hébergé cette fois-ci chez Palette d’expressions et la Plume Fragile au rythme résonnant des mots perdus et retrouvés, imposés pas facile à placer avec une certaine idée d’Apollinaire, mais là on fait ce qu’on peut !

J’aimerais m’habiller de poésie

Comme on se vêt un dimanche d’un habit, j’aimerais m’habiller de poésie.

J’étalai sur ma peau
des pétales d’une fleur
qu’on appelait violette.

Il m’en fallut plusieurs,
encore et encore, cent tas et mille lots,
espérant sentir bon et voulant être chouette.

Le hibou est venu
et s’est moqué de moi,
riait de me voir nue
et retourna aux bois.

Un papillon volait
puis deux, puis trois,
sur ma peau des milliers
se sont posés, je crois.

Maintenant habillée
et joliment vêtue
de beaux reflets dorés
comme jamais je n’ai eu.

Je bougeai, j’avançai à petits pas,
collés et accrochés, il restaient là sur moi.
Je riais, j’étais fière,
je sautais, je dansais,
et sortis par derrière.
Oh zut, c’était l’hiver !
Alors ils s’envolèrent,
et moi collée à eux,
partîmes vers le soleil
à se brûler mes yeux
et leurs ailes couleur de miel.

Pour répondre à Jobougon et au printemps des poètes du 9 au 25 mars avec la Beauté pour thème.

Où le soleil vient tard

Où le soleil vient tard

Où le soleil vient tard

En hiver la terre pleure ;
Le soleil froid, pâle et doux,
Vient tard, et part de bonne heure,
Ennuyé du rendez-vous.

Leurs idylles sont moroses.
– Soleil ! aimons ! – Essayons.
O terre, où donc sont tes roses ?
– Astre, où donc sont tes rayons ?

Il prend un prétexte, grêle,
Vent, nuage noir ou blanc,
Et dit : – C’est la nuit, ma belle ! –
Et la fait en s’en allant ;

Comme un amant qui retire
Chaque jour son cœur du nœud,
Et, ne sachant plus que dire,
S’en va le plus tôt qu’il peut.

de Victor Hugo

Dans l’interminable

Dans l’interminable ennui de la plaine, la neige incertaine luit comme du sable.
Dans l'interminable

Le ciel est de cuivre sans lueur aucune,
On croirait voir vivre et mourir la lune.

Comme des nuées flottent gris les chênes
Des forêts prochaines parmi les buées.

Le ciel est de cuivre sans lueur aucune.
On croirait voir vivre et mourir la lune.

Corneille poussive et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres quoi donc vous arrive ?

Dans l’interminable ennui de la plaine
La neige incertaine luit comme du sable.

Paul Verlaine, Romances sans paroles (1874)

Le mois dernier

Gaby noyé le mois dernier

Le mois dernier

Dans un étang près de Varennes
Comme un vulgaire braconnier
Identifié grâce à ses dents-
Son blanc dentier de porcelaine
Mordant la vase – car il sourriait.

Avant lui c’était Roméro,
Ombre sur pattes, Indien des toits,
Il a glissé son numéro
A la grande Pirate du ciel
Pour qu’elle l’appelle encore une fois
Et monte-en-l’air un coup de trop.

Et puis Cassis, et puis la Poire,
L’un qui s’évapore par l’éther
Entre les serres de sa mémoire,
L’autre qui fuit de toutes parts,
Pendu aux branches des cathéters
Des fruits amers et des trous noirs.

Je n’oublie pas aussi Jean-Gilles,
Autoproclamé Prince des rues,
Stoppé au vol par deux vigiles,
Deux jeunes laquais de succursale,
Alors qu’il était seul et nu,
Tout ça pour moins de cinquante mille.

Je n’oublie par le Moine errant
Dans cet étrange monastère
Où sont les fantômes vivants.
Centrale. Cellule. Bruits de fermoirs,
Je sais la gueule que l’on peut faire
Suivant son propre enterrement.

Léon, mon frère, je ne prie pas,
Je murmure ton nom aux étoiles
Quand vient le soir. Je n’oublie pas
Et puis je chiale, sur vous, sur nous,
Sur la poussière de nos étoiles,
Et mes yeux brillent comme ceux des rats.

Nous avons eu vingt ans, brigands
Des grandes villes, cow-boys aux colts
Fumants, nous avons eu trente ans,
L’or et les filles plein les sacoches,
C’était du vent. Vient la récolte.
L’hiver approche, et moi j’attends.

Bande décimée de Marcus Malte, extrait de ce petit livre.

Neuf Nectarines

Neuf Nectarines

Neuf nectarines

Par paires comme on fait des pêches espacées que leurs fruits soient vifs — huit en plus d’une, sur ramures crues de l’an dernier — elles semblent un dérivatif; quoique le contraire aussi bien se rencontre fréquemment — neuf pêches au nectarinier.
Sans duvet, sous svelte feuillée en croissant bleus ou bien verts, ou l’un et l’autre dans le style chinois, ces quatre paires lunulées par placages foliolants au soleil rosissent du ton puce American Beauty, piqué, qu’applique au gris cireux l’art sans grand-malice des reliures mercantiles.
Comme la pêche Yu, pêche à bajoue rouge, sans objet pour les morts, qui à point mangée aide à prévenir la mort, pavie d’Italie, prune persane sur pâlis enclose aux remparts d’Ispahan, la nectarine se rencontra
à l’état spontané, sauvage, (sauvage, est-ce sûr? De Candolle, prudent, se taira) d’abord en Chine.
On ne perçoit pas une imperfection dans la neuvaine emblématique, au vantail feuillu que ne pique nul curculio, sur ce plat où on l’a dépeinte jadis, restauré depuis maintes fois, non plus que dans la justesse
de l’orignal sans andouiller, (cheval d’Islande? ou âne?), assoupi contre le vieil arbre touffu aux branches pliées, et dont la robe est de la teinte brunâtre de la fleur de l’arbuste.
Un Chinois «comprend l’esprit des étendues sans bornes» et, sous son allure de poney amateur de nectarines, le kylin — licorne à queue longue ou sans queue, petite, au poil de chameau commun, sans cornes, d’un brun de cannelle monté sur pattes de gazelle.
Cette pièce émaillée est un chef d’œuvre qu’on doit à la chimère d’un Chinois.

essai de traduction d’un poème de Marianne Moore

Soleil vert

Je voudrais du soleil vert

Soleil vert
Des dentelles et des théières
Des photos de bord de mer
Dans mon jardin d’hiver

Je voudrais de la lumière
Comme en Nouvelle Angleterre
Je veux changer d’atmosphère
Dans mon jardin d’hiver

Ta robe à fleur
Sous la pluie de novembre
Mes mains qui courent
Je n’en peux plus de t’attendre
Les années passent
Qu’il est loin l’âge tendre
Nul ne peut nous entendre

Je voudrais du Fred Astaire
Revoir un Latécoère
Je voudrais toujours te plaire
Dans mon jardin d’hiver

Je veux déjeuner par terre
Comme au long des golfes clairs
T’embrasser les yeux ouverts
Dans mon jardin d’hiver

Ta robe à fleur
Sous la pluie de novembre
Mes mains qui courent
Je n’en peux plus de t’attendre
Les années passent
Qu’il est loin l’âge tendre
Nul ne peut nous entendre

Jardin d’hiver de Henri Salvador

Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête

Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête ;

Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête
Son vol éblouissant apaisait la tempête,
Et faisait taire au loin la mer pleine de bruit.
– Qu’est-ce que tu viens faire, ange, dans cette nuit ?
Lui dis-je. – Il répondit : – je viens prendre ton âme. –
Et j’eus peur, car je vis que c’était une femme ;
Et je lui dis, tremblant et lui tendant les bras :
– Que me restera-t-il ? car tu t’envoleras. –
Il ne répondit pas ; le ciel que l’ombre assiège
S’éteignait… – Si tu prends mon âme, m’écriai-je,
Où l’emporteras-tu ? montre-moi dans quel lieu.
Il se taisait toujours. – Ô passant du ciel bleu,
Es-tu la mort ? lui dis-je, ou bien es-tu la vie ? –
Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,
Et l’ange devint noir, et dit : – Je suis l’amour.
Mais son front sombre était plus charmant que le jour,
Et je voyais, dans l’ombre où brillaient ses prunelles,
Les astres à travers les plumes de ses ailes.

‘Apparition’ de Victor Hugo

L’été de Théodore de Banville #6

L’été de Théodore de Banville #6

L'été de Théodore de Banville #6

Il brille, le sauvage Été,
La poitrine pleine de roses.
Il brûle tout, hommes et choses,
Dans sa placide cruauté.

Il met le désir effronté
Sur les jeunes lèvres décloses ;
Il brille, le sauvage Été,
La poitrine pleine de roses.

Roi superbe, il plane irrité
Dans des splendeurs d’apothéoses
Sur les horizons grandioses ;
Fauve dans la blanche clarté,
Il brille, le sauvage Été.

 

Ce sera ma participation aux poésies du jeudi chez Asphodèle (et plutôt ici, chez Martine) et au défi du fil DDF#6, avec cette application brodée du bleuet qui arrive à sa fin, le matelassage est pour bientôt, et cet ouvrage ira rejoindre ma collections de fleurs, mon herbier très spécial.

 

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Le Fleuriste et les Légumes

Le Fleuriste et les Légumes

Le Fleuriste et les Légumes

Un Homme avoit un parterre de fleurs
Dont il prenoit un foin extrême
Artiftement il mêloit les couleurs.
C’étoit-là fon plaifir fuprême.
L’or & l’azur, lnège & le corail
Y formoient le plus bel émail.
Tout à côté nôtre Fleurifte
Avoit un Potager dans un état fort trifte.
Il y portoit rarement l’arrofoir.
Les Légumes féchoient. C’étoit pitié de voir
La Laituë & l’Ozeille
Se faner, & baiffer l’oreille.
Il arriva qu’un jour
Le Maître du jardin fe promenant autour,
Un Chou des plus têtus, au nom de l’Affiftance,
Se plaignit de fa négligence.
Pourquoi nous oublier ainfi ?
Ne fommes-nous pas plus utiles
Que ces belles Plantes ftériles,
Qui vous caufent tant de fouci ?
Lorfque vôtre fanté fe trouvoit altérée,
Par quel moïen l’avez-vous recouvrée ?
Au Jafmin, à l’Oeillet avez-vous eu recours ?
Ne fut-ce pas à la Chicorée,
Avec mes autres Sœurs, qui vous prêta fecours ?
Vous en eûtes befoin, & vous l’aurez toujours.
Je ne dis rien de mon ufage.
Vous le connoiffez trop. Sans doute il feroit beau
De voir une Tulipe au milieu d’un potage
Au lieu d’un Chou : cela feroit nouveau .
Mais laiffons là le badinage.
N’ai-je pas eu mainte fois l’avantage,
Avec mon frère le Porreau,
De vous racommoder le timbre du cerveau ?
Jufqu’où va vôtre ingratitude ?
Vous n’avez cependant aucune inquiétude
De nos befoins. Vous nous laiffez périr ;
Tandis que nous voïons fleurir
La Jonquille & la Tubéreufe,
Qui n’ont pourtant qu’un vain éclat,
Et dont l’odeur eft dangereufe.
Le Fleurifte fit peu d’état
Du Supliant & de fes remontrances.
Vous avez pour un Chou, dit-il, trop de caquet.
Taifez-vous : c’eft mieux vôtre fait.
A ces mots, il retourne admirer les nuances
De la Tulipe & de l’Oeillet.
Qu’arriva-t-il ? Nôtre Chou fut Prophète ;
Et ce caprice enfin à Monfieur fut fatal.
Des diverfes odeurs le mêlange l’entête.
Il hume du ferein. Monfieur fe trouve mal.
On court au Potager préfenter fa requête,
Pour lui compofer un boüillon :
Mais tout étoit péri, jufques au moindre Ognon.
On cherche donc ailleurs, & l’on fe met en quête :
Mais Monfieur, pendant ce temps-là,
Droit chez Pluton en pofte s’en alla.

Réglons mieux nos plaifirs. L’Homme vraîment habile
Sçait cultiver l’agréable & l’utile.

Cette fable extraite du livre des fables nouvelles mises en vers par Mr Richer et dédiées à Son Altesse Sérénissime Monseigneur Le Prince de Conty avec Privilège du Roy du 18ème siècle.

C’est en regardant mon potager et mes fleurs que j’ai soudain ressenti une honte semblable à celle que Monfieur auroit dû avoir avant de mouroir. Je l’ai recopiée telle qu’elle avec tout l’humour qu’elle procure quand on la prononce tout haut.
Humour en toute liberté pour répondre aux poésies du jeudi chez Asphodèle, aux rencontres d’Amegraphique chez le petit carré jaune de Sabine et les défis du fil DDF#5 pour ce mois de mai.

 

Mai tout en fleurs dans les prés

Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame,

Mai tout en fleurs dans les prés

Viens ! ne te lasse pas de mêler à ton âme
La campagne, les bois, les ombrages charmants,
Les larges clairs de lune au bord des flots dormants,
Le sentier qui finit où le chemin commence,
Et l’air et le printemps et l’horizon immense,
L’horizon que ce monde attache humble et joyeux
Comme une lèvre au bas de la robe des cieux.
Viens ! et que le regard des pudiques étoiles
Qui tombe sur la terre à travers tant de voiles,
Que l’arbre pénétré de parfums et de chants,
Que le souffle embrasé de midi dans les champs,
Et l’ombre et le soleil et l’onde et la verdure,
Et le rayonnement de toute la nature
Fassent épanouir, comme une double fleur,
La beauté sur ton front et l’amour dans ton cœur.

J’ai choisi un poème de Victor Hugo aujourd’hui, pour la poésie du jeudi chez Asphodèle

Voudrais-tu que je sois

Voudrais-tu que je sois
Un lacet de chausson,
une fine bretelle,
un joli pompon,
Des gants de dentelle
Ou un foulard de soie…

Aimerais-tu que je sois

Un battement de cil
Un souffle délicat
Une caresse subtile
Pour un doux émoi
Un sourire fragile
Un frou-frou parfumé
Une voix
La chemise que j’enfile,
Ou que j’enlèverai ?
Dis-le moi.

Tricotage

Tricotage

Tricotage

Maille à l’endroit, maille à l’envers,
J’ai tricoté un pull-over
Pour le puma et la panthère,
Frais en été, chaud en hiver.

J’ai tricoté un cache-nez
Pour l’épervier et le coucou,
M’ont fait un baiser dans le cou
Et un second au bout du nez.

J’ai tricoté deux bonnets verts,
Un pour mon chien, un pour mon chat.
« Je n’en veux pas, tu le mettras »
M’a dit mon chat, c’est un ingrat.

Pour le boa et pour l’orvet,
Comme ils avaient ce qu’il fallait
Je n’ai rien tricoté du tout,
Ni à l’endroit, ni à l’envers.

de Camille Vinassac. Un poème qui illustre bien la jacket surprise que j’ai commencée. A partir du milieu du dos sous les bras, j’ai tricoté les devants en même temps, puis j’ai repris les mailles du départ au milieu du dos en sens envers en tricotant les manches en même temps cette fois-ci. Où me mènera cette surprise ?

Le peintre et le cuisinier

Le peintre et le cuisinier pour la poésie du jeudi chez Asphodèle , c’est peut-être le froid qui revient qui m’a fait choisir ce poème.

Par un jour froid d’automne aux paysages de feu,
souhaitant se mettre au chaud et se détendre un peu,
un peintre d’aquarelle, l’estomac affamé,
entra dans une auberge, souhaitant se restaurer.

Dès le pas de la porte il reconnut l’ambiance
des endroits où le goût ne doit rien à la chance.
Le cadre, chaleureux, faisait du restaurant
un lieu de pur plaisir, de bien-être accueillant.

Alors qu’il prenait place, il remarqua aux murs,
placées avec talent, de très belles peintures.
Voulant de la cuisine tester la qualité,
par le menu du jour, il se laissa tenter.

Ce fut une explosion de goûts et de couleurs,
ravissant son palais et ses yeux amateurs.
Lors, il voulut connaître le gérant de ce lieu,
découvrir le talent qui rendait si heureux.

Se dirigeant vers lui, pour s’asseoir à sa table,
le cuisinier, souriant, avait un air affable.
En le félicitant pour ses plats délicieux,
notre homme l’interrogea sur l’aspect harmonieux :

« Vous inspireriez-vous des tableaux sur vos murs
pour présenter vos plats avec un goût si sûr ?
Et d’où viennent ces toiles qui décorent en douceur
et chaleur cet endroit, quel en est donc l’auteur ? »

Le peintre et le cuisinier

« Vous posez deux questions, elles n’ont qu’une seule réponse :
il m’arrive de croquer paysages ou mêmes ronces !
La nature fait parfois de si beaux assemblages
qu’elle se retrouve aussi aux plats que j’aménage ! »

« Ah, quel talent, Monsieur, pour pratiquer si bien
deux arts très différents quand je n’en connais qu’un ! »

« Mais, ne voyez point là, Monsieur, trop grand mystère
et je m’en vais vous dire le fin fond de l’affaire :
Dans peinture et cuisine, je ne vois que deux sœurs,
il faut juste des deux, savourer les couleurs ! »

d’après Thierry Boulier

In Memoriam pour la poésie du jeudi

In Memoriam pour la poésie du jeudi chez Asphodèle

In Memoriam pour la poésie du jeudi

Il s’appelait
Mohammed Sceab

Descendant
d’émirs de nomades
décéda
parce qu’il n’avait plus
de Patrie

Il aima la France
et il changea de prénom

Il fut Marcel
mais n’était pas français
il ne savait plus
vivre
dans la tente des siens
où l’on écoute la cantilène
du Coran
en savourant un café

Et il ne savait pas
délier
le chant
de son abandon

Je l’ai accompagné
avec la maîtresse de l’hôtel
où nous habitions
à Paris
du numéro 5 de la rue des Carmes
allée flétrie et en pente

Il repose
au cimetière d’Ivry
faubourg qui ressemble
toujours
en un jour
à une
foire décomposée

Et peut-être moi seul
sais encore
qu’il a vécu

Traduit d’un poème en italien qu’avait écrit le 30 septembre 1916, Giuseppe Ungaretti, quatre après la mort de l’ami égyptien, qui l’avait accompagné dans son déménagement d’Alexandrie à Paris, en 1912. Ce sont sûrement les actualités de la semaine qui m’ont fait choisir cette jolie page d’écriture, In Memoriam pour la poésie du jeudi chez Asphodèle