Lui rendre visite

Lui rendre visite, je lui dois bien ça.

Je le vois tous les mois parfois tous les quinze jours. Il sort peu tout seul et habite près du port maintenant, dans un bel appartement ensoleillé. Je marche d’un bon pas en longeant le parking, je sais qu’il m’attend mais je voudrais tant qu’il retrouve son indépendance. Pas de pluie aujourd’hui, l’air est vif et le ciel encore bien couvert. J’ai pris l’habitude de passer une bonne partie de cette journée avec lui jusqu’au soir et je pars après le dîner qu’on prépare souvent ensemble. On sort marcher au bord de l’eau ou on discute devant un jeu de société. Il me raconte sa vie ou essaie de s’en rappeler… Il y eut une époque où on aurait pu croire qu’une araignée et sa toile occupaient sa tête toute entière. Il va mieux à ce jour, bien raccommodé et presque guéri. Rien qu’en y pensant les larmes me viennent aux yeux. En ce début d’après-midi les passants ne sont pas très nombreux. Un tapis de feuilles jonche le trottoir, certaines dansent devant nous au rythme du vent d’automne. Va-t-on sortir ou jouer ? Je remarque la vitrine d’un fleuriste riche en couleurs, puis celle du primeur superbement achalandée mais mon sac est déjà plein de belles et bonnes choses. Soudain je stoppe, c’est sa silhouette que je reconnais dans le bar à bulles. Surprise, un peu inquiète même, je pousse la porte et entre. J’avais connu sa préférence pour la bouteille au temps où les drogues de toutes sortes avaient bien peu d’effets sur ses souffrances. Une avalanche de pensées contradictoires m’envahissent, j’ai chaud tout à coup et respire fort mais quand son regard se pose sur moi, je lui souris. Il est souriant lui-aussi, et beau. Il se lève aussitôt et vient vers moi d’un pas assuré. Il a toujours été beau, mais il a presque rajeuni à cet instant. Il me prend dans ses bras et me serre très fort comme avant. Je suis bien et il sent bon. Pendant un moment, je crois bien que mes pieds n’ont plus touché terre. Il pose ses lèvres dans mon cou pour un bisou furtif et chuchote à mes oreilles: « Ne t’en fais pas et sois heureuse, tout va bien, je t’attendais ».

Ce court texte pour répondre cette semaine à des mots, une histoire chez Olivia avec les mots récoltés.

Donner à manger

En allant donner à manger aux poules j’ai posé le talon sur une fiente…

et en levant le bras pour retenir mon chapeau imperméable qui allait s’envoler, j’ai accroché la manche de mon gilet sur le haut du grillage. Et de fait je ne pus éviter une grosse fiente de l’autre pied. Je suis énervée et surtout déçue. Le ciel est à l’orage ce matin, les éclairs et le tonnerre y vont de bon cœur. Les poules réfugiées dans leur cabane n’ont même pas remarqué les belles épluchures colorées que je leur ai apportées. Tiens il faudra rattraper cette maille avant que ça ne fasse un gros trou…

C’est peut-être l’émerveillement pour ceux qui attendaient la pluie depuis longtemps et pour les autres qui aiment juste entendre ces barouf et ces flic-floc, mais il ne faudrait pas mettre tous les œufs dans le même panier, moi je n’aime pas ce temps de chien, ça perturbe mon humeur. A propos d’œufs, il y en aura pas beaucoup si ce peu de luminosité perdure, les poules vont dormir longtemps…

Et dire que la nuit était si belle avec une lune bien ronde et si claire qui avait l’air de veiller sur nous. Avec l’absence de soleil, c’est fichu, ça va être l’obscurité pour la journée entière. Ah il nous a bien pigeonnés celui d’en haut. On va devoir rester à l’intérieur maintenant, le froid de canard va se faire sentir avec toute cette humidité et ce vent violent. Je sais que ça ne sert à rien de ruer dans les brancards mais le dire me fait du bien. Râleuse, moi !? Euh non pas trop…

Et puis après la pluie, le beau temps est revenu, j’ai retrouvé le sourire, mon pull n’aura pas de gros trou. Les poules ont chanté après avoir pondu, elles ont fouillé, farfouillé, picoré et gobé les vers, mais elles ne font toujours pas de poésie.

Perturbée, moi !? non, c’est juste pour répondre à des mots, une histoire chez Olivia avec les mots récoltés lundi dernier.

On tend souvent la main juste par habitude

On tend souvent la main juste par habitude vers un quotidien,

sans espoir forcément d’y découvrir quelque chose en particulier. C’est pour moi un motif de lecture rapide du matin en attendant que les rayons du soleil tardif de l’automne réchauffent l’air frais au dehors.

J’ai donc tendu la main vers la gazette laissée sur le coin de la table, et l’ai dépliée à la page des bulles. Mes épaules se détendaient et je souriais à l’idée d’y lire un truc plaisant. Mais cette fois encore c’était partie remise, car je sentais le regard soupçonneux presque inquiet de Mémé, arrivée clopin-clopant dans le hall d’entrée et marquant déjà son impatience avec sa canne sur le carrelage.

Je levai la tête et lui fis un clin d’œil. Je ne suis pas sûre qu’il faille lui répéter sans fin les mêmes mots. L’ordre dans sa tête n’est plus le même qu’avant et il faudra s’y faire. Elle se frottait les mains de contentement. Elle portait les gants roses qu’elle avait tricotés avec pleins de petits restes de laines et qui lui allaient si bien.

C’est ma participation à des mots, une histoire chez Olivia avec les mots récoltés : souvent – ordre – soupçonneux – gazette – espoir – bulle – particulier – faille

Prendre le temps et regarder les gens

Prendre le temps et regarder les gens.

Ce matin je suis en gare et j’attends que la grisaille se lève. Les horaires ne sont pas affichés. Ou plutôt si, mais c’est un vrai capharnaüm ici. Les destinations et les heures sont mélangées. Le premier élément de la première colonne correspond au deuxième élément de la deuxième colonne. Et ainsi de suite, et ce grand tableau comporte une bonne dizaine de colonnes et autant de lignes. L’ordinateur qui travaille dans cette boite a-t-il voulu nous taquiner un peu ? Bien sûr, je comprends que j’ai raté mon train.
Laisser alors les trains et le temps passer, c’est un peu procrastiner ! Dans cette gare grise, il y a autant de quais que de lettres dans notre alphabet et les voyageurs, à l’heure qu’il est, sont innombrables. L’humeur est grise, un peu comme sur les photos d’antan. Certains sont perdus, affolés, circulent en tous sens, d’autres, qui ont pigé le truc, maintenant sans doute, restent sur place et laissent les premiers danser. Le fou-rire me prend.
Le gamin à côté de moi se met à rire lui-aussi et agite le petit drapeau qu’il tient dans sa main libre, l’autre étant fourrée dans celle de sa mère. Elle lui sourit. Ils ont de jolis T-shirts décorés sur le devant. Un bel ara multicolore précédé d’un L majuscule orne le sien, et un arc d’indien précédé d’un M embellit celui du petit. On peut deviner leurs prénoms. Je regarde celui du mari, qui leur sourit à son tour, il est orné un grand C suivi d’un éléphant caché dans un arrosoir. Là je reste perplexe.

Pour répondre à Des mots, une histoire chez Olivia avec les mots récoltés de la semaine : procrastiner – drapeau – ara – boîte – séparément – capharnaüm – taquiner