Une myriade de questions pour les Plumes 34 d’Asphodèle

Une myriade de questions pour les Plumes 34 d’Asphodèle

Il se demande si elle a aimé. Cela fait longtemps qu’il n’avait pas fait l’amour. Il avait cru engranger des forces depuis le temps. Mais il se fait vieux et il fatigue. Il devrait reprendre le sport et lui aurait donner plus de jubilation. Il a bien essayé de varier les plaisirs pour cacher ses faiblesses avec un peu de sagesse . Il se demande s’il l’a vu sourire ou si elle a été dupe.

Elle se demande s’il va arriver à reprendre son souffle. Il paraissait s’épuiser. A un moment, elle a bien cru qu’il n’irait pas jusqu’au bout. Il avait une sacrée difficulté à respirer. Il a quoi ? Quarante ans au grand maximum ? Peut-être que s’il fumait moins il lui aurait donné plus de plaisir et d’allégresse. Après plusieurs semaines d’attente et de doutes, elle est un peu déçue. Les regrets imprévus remplacent l’ivresse attendue. Elle se demande à quoi il pense.

Une myriade de questions pour les Plumes 34 d'Asphodèle

Il pense que les femmes sont patientes et qu’elle ne lui en voudra pas. Depuis des semaines qu’ils se tournent autour, elle ne va pas tout abandonner comme ça. Mais quand même, il aurait du faire des efforts, pour lui donner un peu de bonheur. Il savait que ça allait arriver. Il a attendu son regain chez lui et de l’allégresse chez elle. Oui mais voilà, il pensait que ça ne s’oubliait pas, que c’était comme le vélo. Quand on sait pédaler une fois sans petites roulettes, c’est pour toujours. Mais l’âge vous rattrape parfois. Ça faisait quoi ? Huit mois peut-être. Il sait qu’il se ment. Ça fait bien un an déjà. Tout s’oublie, et il s’est cruellement empâté. Il se demande si elle le voit.

Elle voit qu’il a plus de ventre qu’elle ne l’aurait cru. Un petit ventre ce n’est pas grand chose, se dit-elle, mais quand même. Elle l’avait vu magnifique et bien plus musclé. Elle pensait qu’il s’entretenait plus. Après tout, elle n’est pas vraiment parfaite non plus. Elle se demande s’il a remarqué ses vergetures.

Il a remarqué ses vergetures, comme les vagues d’une tempête sur un océan. Ça lui a fait un choc. Il fit un bond et s’est demandé si elle l’avait remarqué. Lui qui a tant fantasmé sur ses fesses! Une fois le miracle dévoilé, il est tombé de haut. La découverte de sa lune n’eut rien d’un rêve. Presque une montagne de chair. Non pas qu’il n’avait plus de désir, mais la déception lui a donné envie de finir vite fait son boulot. Et maintenant, il le regrette un peu, lui qui avait imaginer emménager chez elle. Il se demande s’il va continuer leur histoire.

Elle se demande si ça vaut le coup de continuer leur histoire. Elle avait espéré beaucoup et avait envisagé son déménagement chez elle, mais il ressemble trop à ces maudits salauds qui ont partagé son lit. Le genre qui vous courtise gentiment et ne fait même pas d’effort pour vous faire l’amour correctement. Pas une découverte en fait. Elle voit bien qu’il évite de croiser son regard. Elle se demande s’il a seulement des états d’âme.

Il a des états d’âme et l’esprit en brume. Il croyait qu’elle lui plaisait vraiment, que ça pouvait être le début de quelque chose. Mais c’est toujours ainsi que ça se passe. Il avait recherché le dépaysement, mais une fois le corps dévoilé et consommé, le désir chute brutalement. Il sent qu’il se lassera vite de cette femme qui ne lui est plus inconnue. Il se demande comment il va bien pouvoir s’en aller sans se faire traiter de salaud.

Quel salaud ! Il ne lui dit pas un mot mais elle sait à quoi il pense. Il regarde un peu trop la porte pour être honnête. Elle se dit qu’il pourrait au moins faire semblant, passer la nuit ici, montrer un peu de tendresse, ou lui dire qu’elle comptait un peu pour lui. Elle se demande s’il va oser lui dire qu’il doit se lever tôt demain matin.

Il lui dit qu’il doit se lever tôt demain matin. Il aurait dû trouver une excuse un peu plus originale. Il est un peu embêté mais il sent qu’elle comprend. Il essaie de se justifier. Demain, c’est dimanche. Il prétexte qu’il a de la route à faire pour voir sa mère qui habite au bord de la mer. Il doit prendre du repos car il se lèvera comme le soleil. Il se demande si elle va lui faire une scène.

Elle lui fait une scène. Non pas parce qu’elle lui en veut de la plaquer, mais parce qu’il se moque d’elle, comme s’il la couvrait de boue. Elle avait vu leur futur en rose et bleu pour eux deux. Mais leur vie apparaissait maintenant plus à un marais pour topinambours qu’à une fleur d’hélianthe. Elle va lui donner une telle mauvaise conscience, que s’il va vraiment déjeuner chez sa mère, il aura du mal à digérer la potée ou le pot au feu qu’elle lui aura cuisiné, et même les confitures qu’elle lui offrira comme à son habitude. Elle se demande s’il va s’excuser.

Il s’excuse comme il peut, mais il maintient sa version des faits. Il veut donner l’illusion de la vérité, que vraiment il ne peut pas rester cette nuit. Que peut-être il y aura une suite à leur histoire. Ils retrouveront sûrement leurs espiègleries de noctambules. Que peut-être ils s’aimeront vraiment après tout. Mais que cette nuit, ce n’est vraiment pas possible, il faut qu’il parte. C’est plus fort que lui. Il se demande à quel moment il doit ouvrir la porte.

Elle se demande à quel moment il va ouvrir la porte.
Il se demande si elle va se mettre à pleurer.
Elle se demande si elle va se mettre à pleurer.
Il hésite.
Elle pleure.
Ils se demandent pourquoi ils ont fait l’amour ce soir.

Voici ma participation aux Plumes 34 d’Asphodèle d’après Belzaran.
Asphodèle nous avait demandé deux mots à chacun et n’a imposé que les 23 premiers de la liste qui suit; on pouvait utiliser les autres… ou pas. Je les ai tous utilisés… je crois. Tiens, voilà la liste: regrets, engranger, boue, repos, découverte, hélianthe, regain,  bond, imprévus, recherche, espièglerie, confiture, allégresse, jubilation, noctambule, brume, respirer, dépaysement, magnifique, bleu, marais, maudit, myriade, rien, sourire, montagne, déménagement, soleil, question, sagesse, océan, ivresse, tempête, lune, rêve, emménager, mer.

45 réflexions sur “Une myriade de questions pour les Plumes 34 d’Asphodèle

  1. quel rythme….quelle descente au fond du gouffre…..on ne lâche pas ton texte une seule seconde…. , ennui solitude désillusion regrets….que d’amertume incroyablement rendue….

    • Oh Pauvre Nunzi, je ne voulais pas t’énerver à ce point. Je plaisante, tu sais, dans ce jeu d’écriture. Mais une somme de petits défauts en fait un gros qui risque de les déranger, ces deux-là, non?

  2. C’est vraiment réussi de chez réussi (je parle de ton texte, parce que l’histoire d’amour, à mon avis, sent le flan). Tu n’as pas choisi la facilité et tu tiens vraiment super bien l’exercice parce que j’ai vécu leur questionnement au moment de la lecture.En tout cas, respect total de ma part ! Quant à tes deux héros, je me dis que lorsqu’on se pose trop de questions, eh bien l’amour se meurt (parce que l’amour a besoin de simplicité, au moins au début). Bisous

    • Si tu savais, je n’avais pas d’idée, j’ai classé les mots sur 4 colonnes, il y en avait tellement cette semaine et aucun ne m’inspiraient vraiment. Je me voulais pas de sérieux, quelque chose de léger. Alors j’ai divagué… et vos commentaires sont comme des mots d’amour. Merci

  3. Je ne verrais désormais plus jamais mon mari du même oeil mdr!!! Le mien a 56 ans, je ne sais si j’aurais accepté un mollasson pareil dans mon plumard à 40 ans !!! Non mais allo quoi mdr!!!
    Tu as très bien traité le sujet 😉
    Bisous Patchcath!!!
    Domi

  4. Quel joli texte qui remue les tripes. Peut-être un peu trop criant de vérité et qui dérange. Est-on à la recherche de la perfection chez l’autre ou à cacher ses propres imperfections derrière celles de l’autre ?
    Belle construction de ce texte en tout cas.
    Belle journée.

  5. Superbe texte sur la difficulté de communication.J’ai adoré la construction, le ton, les émotions, les espoirs, la distance entre les rêves et la réalité .j’ai lu et relu ton texte avec plaisir, je l’ai même fait partager à mon H qui a remarqué la conduite masculine un peu sauvage.merci pour ce partage.

  6. Absolument remarquable Patchcath. Je pèse mes mots, j’ai trouvé ce texte époustouflant de naturel, d’éternel et d’universel. Je suis très très enhousiaste.
     » Il regarde un peu trop la porte pour être honnête », cette phrase là dit bien des choses. Et ne l’avons-nous pas tous vécue?
    Encore toutes mes félicitations pour ces lignes. Pour les travaux d’aiguille ce sont des merveilles et Leonora a un bien joli dos.
    Merci pour ce joli moment.

  7. J’aime beaucoup la construction de ton texte, ce chassé croisé qui ressemble à un jeu de dupes ! Malgré les déceptions mutuelles, les évidences attendues, on espère qu’ils feront fi de cette cruelle déception, qu’ils sauront la dépasser et se rejoindront ailleurs que sous la couette…

  8. Ça me rappelle une chanson de Zazie dans la construction… Zut je n’arrive pas à trouver le titre… Ca me rappelle aussi quelques pensées intimes… Ton texte me plonge dans bien des pensées… Mais il est criant de vérité… J’aime beaucoup.

  9. Pingback: LES PLUMES 34 – LES TEXTES de l’HUMEUR DU JOUR en double liste ! | Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture

  10. J’aime beaucoup ces paragraphes qui se répondent …la fin de l’un qui est presque le début du suivant …
    La désillusion est forte pour ces deux là…
    Bonne journée Patchcath 🙂

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