Patchwork – Poule libre au poulailler

Poule libre ou renard libre ?   Ou comment faire réfléchir en développant une analogie un peu rapide.

Il y avait dans un coin de Patchworkie un poulailler qui n’avait plus de fermier, et dont les poules avaient obtenu la clef. Dans les environs rôdait un renard, sans Dieu ni maître il convoitait la tendre chair blanche des poules.

Pendant les premiers jours, celui-ci entreprit d’attraper les poules pour s’en nourrir. Celles-ci, émancipées récemment et déterminées à rester maîtresses de leur destinée, organisèrent des tours de garde et se réfugiaient à la moindre alerte dans l’enceinte grillagée du poulailler. Elles colmataient bravement tout début de trou sous le grillage, que le renard s’essayait à creuser la nuit, renforçant la grille par des pierres qu’elles soulevaient de concert. Elles mirent également au point un relais de poules qui indiquaient à tout instant où avait été vu le renard, permettant d’organiser des voyages hors du poulailler partout où le renard n’était point.

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Les poules douées de la meilleure vue et de l’ouïe la plus fine, qui surveillaient, recevaient en échange une part de la récolte des poules endurantes et courageuses, qui sortaient sous la protection de leur surveillance. Le travail était ainsi réparti et malgré les efforts nécessaires pour se garder du renard, elles prospérèrent doucement.

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Bien vite, la faim se mit à ronger l’estomac du renard, qui se voyait privé de juteuse volaille par la farouche autodéfense des gallinacés. Il échafauda cependant un plan. Arborant un drapeau blanc, il s’approcha du grillage et demanda à être entendu. Quelques poules s’approchèrent prudemment pour l’écouter.

“Mes chères poules, cette nuit, une révélation s’est faite en mon âme et conscience. Je reconnais mes torts passés, mes criminelles tentatives pour vous dévorer agressivement. Je renonce à ces voies iniques, et vous propose gracieusement mes services pour vous protéger des dangers que j’ai vu dans la forêt.
– Des dangers dans la forêt ? Ma foi, nous n’en avons jusqu’ici jamais eu vent, répondit une poule hardie.
– Hélas, mes chères poules, il y a dans ces bois obscurs et touffus bien des monstres plus effrayants, plus voraces et plus violents que je ne l’étais jusqu’à aujourd’hui, reprit le renard. Des loups, des dragons, des centaures chasseurs et des salamandres géantes s’y cachent, et le ciel s’emplit la nuit de rapaces terrifiants et silencieux !
– Voilà qui est effrayant en effet ! Mais pourquoi aurions-nous besoin de ta protection ?

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– Je connais leurs odeurs, les heures tardives où ils s’approchent de votre poulailler. Ils sont d’ailleurs nombreux à tenter de creuser des trous sous votre grillage.
– Ma foi, nous ignorions que ces trous étaient l’œuvre de telles créatures ! Il est vrai que, étant des oiseaux, nous dormons toute la nuit et n’avons pas l’occasion de les voir faire.
– Voyez ! La menace est concrète, qui sait combien de temps il faudra à ces engeances démoniaques pour renverser votre grillage et vous dévorer toutes ?” (A ces mots le renard dût faire un effort pour réprimer la salive qui lui montait aux babines.) “Laissez-moi vous prodiguer mes conseils, et vous protéger la nuit. Je ne demande qu’une maigre part de vos cueillettes en retour, et je n’entrerai pas à l’intérieur du grillage. Je dormirai le jour et veillerai la nuit, ainsi vous n’aurez plus à faire tant d’efforts pour me surveiller tant que le soleil luira: cela compensera de multiples fois la part de récolte que je vous demanderai en échange.”

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Les poules ne répondirent pas de suite, elles se concertèrent, débattirent, se disputèrent comme à leur habitude, sans pouvoir se mettre d’accord. Un tiers d’entre elles environ refusaient de faire confiance au renard. Ce dernier suggéra alors:
“Très chères amies, une telle décision concerne toute votre communauté, elle ne peut qu’engager la totalité d’entre vous ou aucune. Comptez les avis de chacune d’entre vous, et que le plus grand nombre l’emporte sur l’avis des autres !”

La décision paraissait raisonnable. Ainsi fut-il fait: les poules votèrent, le scrutin détermina de laisser sa chance au renard. Celui-ci se ménagea un abri de pierres contre le grillage, ostensiblement tourné vers la forêt, ce qui empêchait les poules d’en voir l’intérieur. “De là, se dit-il, je pourrai tout à mon loisir creuser un tunnel jusque vers l’intérieur du grillage sans être vu, en creusant un peu chaque jour. Je ne suis point pressé, et les poules assureront ma subsistance en attendant le jour du festin.”

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Chaque jour, les poules vaquaient à leurs occupations, jetant de temps en temps un regard inquiet vers la forêt. Qu’un craquement de brindille se fasse entendre dans les environs, les poules imaginaient aussitôt une invasion des pires monstres que la terre eût porté, et elles se rassemblaient vite derrière l’abri du renard. La nuit, le renard tournait bruyamment autour du grillage d’un pas martial, l’air déterminé, jusqu’à ce que les poules fussent suffisamment endormies. Après cela, il grattait la terre dans son abri pour étendre son tunnel.

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Néanmoins, cela représentait bien des efforts, et rapidement il résolut de se faire plus copieusement entretenir par les poules. Une nuit, il renversa quelques pierres contre le grillage, poussant de grands cris. Les poules alertées par ce vacarme se précipitèrent hors de leur abri, et le renard posa fièrement devant elles, affirmant avoir mis en déroute un dragon. Il exhiba une entaille superficielle dans son flan, qu’il avait faite de ses propres griffes, et déclama: “Mes pauvres amies, voyez la blessure terrible que le monstre m’a infligé, voyez le prix que je paie à votre service ! Souffrez donc de m’apporter quelques menus gibiers demain pour m’aider à me rétablir, ainsi je pourrai continuer à vous défendre.”

Les poules convinrent par un nouveau vote que l’accord avec le renard serait ainsi révisé. La récolte des gallinacés, jusqu’ici composée de vers de terre et de grains, comprit dès lors une part croissante de rongeurs et grenouilles. L’excédent de travail ralentit les projets individuels des poules, mais elles y consentirent de bon cœur, persuadées que cela les mettrait hors d’atteinte des terribles créatures nocturnes.

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Le renard prit ses aises, il ne creusait son tunnel qu’avec d’autant moins d’entrain que son estomac était plein. Il se prit à réfléchir pendant sa digestion: “Que ferais-je donc d’un festin de volailles, si je dois ensuite retourner dans les bois chasser les limaces ? J’ai bien meilleur jeu de garder ces poules ignares en esclavage !”

Ainsi fit-il, jouant comédie nocturne, n’épargnant pas ses efforts pour se rendre important auprès des gallinacés. Il en récoltait chaque lendemain la juteuse récompense. Cependant, trois poules plus futées se trouvèrent d’accord pour contester le butin jugé excessif que le renard prélevait sur leur récolte. Le renard saisit immédiatement l’importance du danger qu’il y avait à les laisser mettre en doute son indispensable présence. Il disparut donc pendant toute une journée.

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Les poules qui avaient douté du renard furent conspuées par les autres: “Folles que vous êtes, par votre irrespect pour le bien-être de notre communauté, vous avez mis en fuite notre protecteur ! Nous voilà à la merci des loups et des diables des fourrés !” Toute la journée, la tension se fit sentir dans le poulailler, et on jetait des regards fiévreusement inquiets en direction de la forêt. Les poules votèrent l’éviction des fauteuses de trouble le soir même, et le renard n’eût aucune peine à surprendre deux d’entre elles en pleine nuit, hors de l’abri du grillage. Il dévora la première, et se félicita de sa ruse, mais se dit qu’il avait encore meilleur jeu de faire usage de cette situation providentielle.

Il frotta de l’ail-des-ours sous ses yeux pour les faire pleurer, s’arracha quelques touffes de poil du dos, se roula dans une flaque de boue, et il ramena au poulailler le cadavre de la seconde poule après s’être repu de la première. D’une voix larmoyante, il conta aux poules son combat contre un loup noir immense pour sauver les poules renégates malgré leur attitude envers lui, invoquant le “devoir sacré de protection” qui lui était tout dévolu. Et il proposa aux poules d’enterrer lui-même la dernière des infortunées, ce qui lui fut accordé rapidement. Hors de leur vue, il dévora celle-ci, et devisa de nouvelles façons d’encourager les poules à se perdre dans les bois. Il ne s’inquiéta pas du sort de la dernière poule, après tout il y avait bien des animaux dans la forêt qui se chargeraient de la manger.

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La ruse fonctionna pendant des lunes, le renard jouant de l’ignorance et de la peur des poules, les encourageant à se multiplier, puis à lancer des expéditions plus loin qu’à leur habitude pour tenter de rapporter quelques merveilleuses nourritures aperçues par lui à l’occasion d’une ronde de garde, et il dévorait alors quelques-uns de ces naïfs volatiles. Il gérait ainsi son troupeau de poules, qui assurait en plus sa propre subsistance pendant la journée.

Rien ne vint mettre en danger l’organisation du renard… si ce n’est sa propre gourmandise. L’hiver vint, et les poules ne purent plus récolter grand chose pour nourrir le renard. Celui-ci en conçut grande frustration, sa sinécure était menacée par les intempéries ? Cela ne serait pas permis. Il redoubla d’efforts nocturnes pour impressionner les poules, n’épargna pas son pelage en belles estafilades, fit rouler des pierres, imita un hurlement de loup lors de la pleine lune, creusant à l’occasion quelque début de trou sous le grillage. Des poches se formèrent sous ses yeux de ces longues veilles, il déclara aux poules qu’il ne pouvait continuer ainsi: “Voyez, en hiver, la nuit s’étire en longueur, mettant à mal ma résistance, alors que le jour qui voit votre propre peine se réduit d’autant. Cela, sûrement, appelle quelque compensation !”

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Là encore les poules votèrent que le raisonnement du renard était sage, et elles fustigèrent leur propre inconséquence. Il y eut bien quelques poules pour remarquer que, le jour décroissant, elles avaient moins de temps pour récolter et donc nourrir le renard tout en assurant leurs propres besoins, mais leurs objections furent balayées par les autres gallinacés. Elles offrirent leurs propres œufs au renard. Le rusé canin passa ainsi l’hiver le ventre plein, pendant que les poules s’épuisaient à faire des œufs en subsistant sur de maigres réserves faites à la saison précédente, grattant quelques lichens qui poussaient sur le bois du poulailler. Le printemps vint, et elles étaient exténuées, incapables de sortir pour aller récolter.

Le renard sentit que son calcul tournait court, bien vite il n’aurait plus d’esclaves pour le nourrir gratis. Mais plutôt que de mettre fin à la mascarade de suite, il employa une nouvelle ruse: “Mes chères amies à plumes, il faut se rendre à l’évidence, vous n’êtes pas capable de vous sustenter et de croître en nombre indéfiniment par votre système de partage libre du travail. En tant qu’observateur extérieur et donc impartial, je peux en distinguer les causes: il y a parmi vous des poules qui profitent des autres, qui les exploitent et les acculent à la ruine, les inégalités entre chacune d’entre vous sont la vraie cause de votre malheur ! Mais heureusement, je suis là et je peux vous apprendre à vous organiser pour remonter la pente.” Affamées, les poules ne se posèrent pas plus de question, sauf une poule rousse débrouillarde qui avait réussi à cultiver des plants d’orge pendant l’hiver derrière son nid en épargnant quelques grains de sa propre récolte, et en échangeait quelques fruits contre de menus services à d’autres poules, et qui parvenait encore à penser sans être interrompue par un estomac gargouillant. Mais elle était seule et dû suivre l’avis de la majorité, ainsi qu’elle en avait pris l’habitude comme les autres.

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Le renard fut ainsi élevé de défenseur des poules, au rang de décideur suprême du poulailler. Il s’empressa de mettre au pas la poule rousse, qui était trop maligne à son goût, en disant aux autres poules qu’elles pouvaient se servir dans sa culture d’orge, arguant qu’il était juste de donner aux affamées la nourriture produite par le travail d’une autre. Très vite, il n’y eut plus de grains d’orge du tout, et le renard accusa alors la rousse d’avoir caché ses semailles pour la soustraire aux autres poule, et demanda qu’on lui livre cette “poule égoïste, individualiste et exploiteuse”. Les poules, conciliantes avec le renard qui leur avait permis de piller les cultures de la rousse, ne furent pas très regardantes quant aux arguments avancés, et s’empressèrent de s’exécuter. La pauvre rousse fut dévorée sous les yeux vengeurs des autres volatiles.

Le renard prit ses aises, il décidait de tout et de rien dans le poulailler: qui couverait les oeufs, qui irait chercher l’eau, qui comblerait les trous des “créatures des bois”… Il désigna certaines poules comme ses exécutantes, décréta que les autres devaient se soumettre à leur autorité dans l’intérêt du poulailler tout entier. Ainsi il put diviser pour mieux régner, ses exécutantes menaient les autres, et chaque décision du renard était approuvé par un vote des poules. Le printemps puis l’été et enfin l’automne passèrent, et il maintenait adroitement les poules dans un état de servitude hébétée. Celles-ci oubliaient régulièrement de fermer le grillage pour la nuit, et le renard en profitait de temps en temps pour aller en douce croquer un gallinacé, de préférence de celles qui posaient trop de questions ou avaient l’inimitié d’une de ses exécutantes. Il blâmait le lendemain tel ou tel monstre fantastique, exhibant une égratignure sur son flan bien rebondi en guise de preuve.

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Quelques poules se demandèrent bien comment le prochain hiver se passerait, mais le renard s’appropriait toujours l’essentiel de la récolte des poules, il leur disait qu’il s’occupait lui-même des réserves (alors qu’en fait il dévorait goulûment le tout à la nuit tombée). Il se disait “si l’une d’elles m’accuse, je pourrai toujours la dévorer ou monter les autres contre elle.” Son appétit ne cessait d’augmenter avec son oisiveté.

Cependant, l’hiver fut terrible, et dès les premiers jours, les poules regrettèrent l’absence de la rousse cultivatrice, qui aurait au moins pu leur apprendre à faire pousser l’orge. Le renard trouvant son abri trop peu confortable, enjoint les poules à le rénover et à le consolider. Ce fut autant de temps perdu pour les poules qui sentaient leur bréchet pointer sous la peau, mais elles se disaient qu’il fallait bien entretenir le renard pour défendre la communauté. Le renard restait oisif, et ne s’embêtait qu’à peine à faire semblant de garder le poulailler chaque nuit. L’effort l’incommodait car il était devenu bien gras. Il se dit entre deux bouchées qu’il lui faudrait réfléchir à une ruse pour convaincre les poules de monter la garde elles-même, à sa place…

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Alors qu’un matin, les poules se réveillèrent transies de froid, un appel vint de dehors. Hagardes, elles allèrent voir qui d’autre que le renard, assoupi en ces heures-là d’habitude, pouvait bien se trouver là. C’était la poule renégate, une simple poule grise perlée, la seule survivante de l’épisode sanglant qui avait suivi l’absence d’une journée du renard. Elle semblait se porter fort bien, ses plumes étaient lisses et bien huilées, la maintenant au chaud dans la bise mordante de la matinée. Elle raconta son histoire: que, se méfiant du renard, elle s’était réfugiée là où il n’irait pas la chercher: dans les bois. A ces mots, les autre poules frissonnèrent d’effroi… Elles n’avaient jamais conçu de douter de l’existence de ces monstres effrayants, ces dragons décrits avec tant de détails par le renard, qui lui avaient causés toutes ces blessures et avaient renversé tant de pierres. Les autres poules s’empressèrent de conter à la perlée ce qu’il était advenu d’elles pendant son absence, et ce récit la fit bouillir de colère.

“Le renard a fait de vous ses esclaves, il est le seul vrai responsable de tous vos malheurs ! Ces monstres, ces chimères effrayantes avec lesquelles il justifie sa présence chez vous, ne sont que le fruit de votre imagination soumise à sa verve insidieuse de renard ! La forêt est un abri sûr pour nous, ses fourrés nous offrent des abris si l’on se donne la peine d’y tailler un chemin, ses arbres nous donnent leurs fruits et leurs noix, ses buissons leurs racines juteuses si l’on s donne la peine de creuser. C’est là le lieu idéal pour vivre, pour une poule qui ne rechigne pas aux efforts.
– Mais il y a bien des bêtes dangereuses dans les bois ?
– Oui, elles existent, mais elles sont bien moins dangereuses que le renard lui-même, quoi qu’il ait pu vous raconter ! J’ai échappé à ces prédateurs par moi-même, et j’ai pu mener ma vie comme je l’entendais ! Venez avec moi, et vivez libre, loin du renard esclavagiste et voleur !”

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Les poules étaient ébranlées dans leurs convictions. Elles se réunirent, débattirent, et s’apprêtaient à voter pour ou contre l’abandon du poulailler, quand la perlée leur dit: “Foin de toutes ces simagrées, cessez donc de vous accrocher au vote, cette invention du renard ! La décision de me suivre ne concerne que chacune d’entre vous séparément, vous êtes libres de décider par vous-même, au lieu de vous soumettre à l’avis de la majorité. Vivez selon les règles qui s’offrent à votre intelligence au lieu d’imposer aux unes celles qu’ont choisi les autres.”

A ces mots, de nombreuses poules s’offusquèrent. “Comment, cette poule prétend nous dire comment prendre nos décisions ? Si nous n’avons pas de règles communes à toutes, comment pourrions-nous répartir nos maigres ressources ? Comment, sans le renard, pourrions-nous décider qui ramènera l’eau, qui ira chercher des grains, et qui couvera les œufs ?
– Ces règles communes ne sont qu’une illusion pour masquer et détourner les règles naturelles que vous pratiquiez avant la venue du renard. Avez-vous donc oublié votre propre liberté passée ?”

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Chaque poule réfléchit, et fit le bilan de ces derniers mois. Le temps d’avant le renard était bien loin et les souvenirs de cette époque, bien embrumés dans leur petite cervelle de gallinacé, au point pour certaines poules qu’elles doutaient qu’ils eurent jamais existé. Environ deux tiers d’entre les poules suivirent la perlée dans les bois, les autres se trouvèrent trop attachées à la sûreté de leur existence que leur garantissait le renard, la vie dans les bois leur paraissait si chaotique, si imprévisible qu’elles ne pouvaient se résoudre à déménager.

Le soir, le renard s’éveilla, s’étira, et ne trouva qu’une maigre ration d’une seule souris devant sa porte. Furieux, il appela les poules, et fit le compte des quelques oiseaux faméliques qui étaient présents. Il ne put cacher sa surprise, interrogea les poules, mais celles-ci, avant le départ de leurs sœurs, avaient juré de ne point parler de la perlée et des poules des bois: elles lui dirent qu’elles s’étaient perdues pendant les récoltes du jour. Sentant qu’on lui dissimulait la vérité, et voyant son pouvoir réduit autant que son troupeau d’esclaves consentants, le renard laissa éclater sa colère: “Cette trahison ne mérite aucune pitié ! Et vous, vous êtes complices !” s’écria-t-il. Il désigna une des poules et lui ordonna d’ouvrir la porte du poulailler, avec l’intention de la dévorer pour rassasier son ventre gargouillant. Elle s’exécuta, et alors les dernières poules restantes purent voir la vérité de leur situation, dans toute son horreur. Terrorisées, elles restèrent sur place, tandis que le renard, toujours furieux, entra dans le poulailler et les mit à mort l’une après l’autre.

Étourdi par son copieux repas et la digestion qui s’ensuivit, marchant au hasard dans la nuit à la recherche des poules fuyardes, toujours aussi enragé de leur évasion de cette prison si subtile qu’il avait mis tant de temps à bâtir autour d’elles, il ne sut que tourner en rond et revenir sur ses pas. Ayant perdu l’habitude de chasser, il resta au beau milieu du poulailler, dans l’espoir fou de voir “ses” poules revenir.

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Elles ne retournèrent jamais plus au poulailler.

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