Pour ce 9ème épisode du grand chantier initié par la Mère Castor, elle parlait de contrariété. Pour sûr qu’il y a de quoi être contrarié ! La mère ne répond pas depuis 3 mois, et septembre est déjà passé! Qu’importe je continue, les points se suivent à la queue leu leu.
…La bête est passée en longeant l’écluse en construction. On a jeté le combustible par la toquerie, et les tocans tournent autour du bateau. Il y aura du saumon et de la tocane au repas de midi. La mère dit que ce vin se goutte surtout comme un champagne qui se boit dans sa nouveauté et qu’ il ne peut guère se conserver plus de 6 mois. Respectueuse de théorie scientifique ou de simples toilages, elle le sert précieusement comme on entretient une dentelle. Elle rentrera bientôt en ville.

A cette saison, des tas de pierres cassées d’un ou deux mètres cubes ont été déposés le long du canal pour l’entretien des routes.La chaudière à basse pression dont la forme rappelle celle d’un tombeau va bientôt réchauffer l’atmosphère. Le père vérifiera d’abord la partie supérieure du toit, cet après-midi, et ensuite, le ton, du capelage jusqu’au sommet du mât. Il a glissé des outils dans la grosse poche qui garnit sa fausse veste de zouave et a reposé sur le bahut une brosse dont la surface est bombée. Il rentrera bientôt en ville.

Il préparera un leurre tomenteux, couvert de poils courts et serrés ressemblant à du duvet, et consolidera la tomberelle, ce grand filet pour prendre les perdrix. Il ira voir le tombereau, cette petite claie avec laquelle on prend les oiseaux sur la neige. Cet hiver, il utilisera du bois pourri sec qui peut remplacer l’amadou, ou de la toile brûlée enfermée dans une boite bien close et dont les marins se servaient autrefois pour démarrer un feu. Il faut penser à déplacer la tonelière; il ne se sert plus beaucoup de cette espèce de râteau dont la tête est garnie d’une poche en filet et qui sert à pêcher certains coquillages.

En sortant il chancèle et son pied renverse la torchette, une petite sorte de panier fait de paille longue pour expédier le poisson de choix… Il se penche, la remet en place et découvre le petit linge roulé que sa femme mettait sur sa tête pour porter un fardeau. Il le garde serré dans ses doigts et fourre ses deux poings dans ses poches. Il marche maintenant le long du trottoir, son regard rêveur se pose d’abord sur le gazon aux pieds des palissades couvertes de feuilles et des racines des arbustes, puis il suit le pont du bâtiment dans le sens de la longueur et s’arrête sur une fenêtre en hauteur : c’est là qu’il rencontrait les individus de l’association pour jouer au jeu de dés, pendant que sa femme coupait les écheveaux en aiguillées prêtes à être employées pour sa broderie….
