Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants

… la fin habituelle « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » et puis… les années passent. La vie évolue, les récits d’autrefois changent, on pourrait bientôt lire :  » Ils vécurent enfants jusqu’à la fin des temps et firent beaucoup d’heureux ». De toutes façons, ça commence toujours par…
l était une fois…

Tiens, par exemple…

… une petite fille de Village, la plus jolie qu’on eût su voir. Sa mère en était folle et sa mère-grand carrément folle dingue. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge qui lui seyait si bien que partout on l’appelait le Petit Chaperon rouge. Un jour sa mère ayant cuit et fait des galettes lui dit :
« Va voir comme se porte ta mère-grand car on m’a dit qu’elle avait quelque souci, porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. »
Le Petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand qui demeurait dans un autre Village.
En passant dans un bois elle rencontra compère le Loup qui eut bien envie de la manger, mais il n’osa à cause de quelques Bûcherons qui étaient dans la Forêt.

Ah oui, à propos de bûcherons… Il était une fois

un Bûcheron et une Bûcheronne qui avaient eu sept enfants tous garçons issus de leur mariage consommé. L’aîné n’avait que trois ans de plus que le plus jeune.
On s’étonnera que le Bûcheron ait eu tant d’enfants en si peu de temps mais c’est que sa femme était fertile sans doute mais surtout, allait vite en besogne et n’en faisait pas moins que deux à la fois.
S’ils avaient été fort pauvres dans leur jeunesse, et orphelins très jeunes (leurs parents avaient été mangés par l’Ogre) ils étaient néanmoins devenus adultes, costauds et en bonne santé, travaillaient à la mine mais avaient gardé une taille d’enfants, ben oui, ils étaient nains (je vous en reparlerai plus loin mais revenons au conte en cours).

… Le loup lui demanda où elle allait, la pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter parler à un Loup, lui dit :
– Je vais voir ma Mère-grand, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre.
– Demeure-t-elle loin ? lui dit le Loup.
– Oh ! oui, dit le Petit Chaperon rouge, c’est par-delà le moulin que vous voyez là-bas.
– Eh bien, dit le Loup, je veux l’aller voir aussi, je m’y en vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera (t’en fais pas, c’est comme ça que parlent les Loups).
Le Loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qu’il croyait le plus court et la petite fille s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait.
Son capuchon étant tombé dans son dos, sa belle chevelure blonde s’étalait sur ses épaules, mais elle eut tôt fait de se recoiffer et cacher ses cheveux quand elle crut voir au loin les trois ours et elle pâlit (c’est d’ailleurs depuis cet épisode qu’elle ne tenait plus à ce qu’on l’appela Boucles d’Or). Était-ce une illusion, en tous cas elle bifurqua et,  bien vite, aperçut la maison de sa Mère-grand, passa tout près des ruines de celles des trois petits cochons qu’elle n’avait pas vus depuis belle lurette, et reconnut plus loin la mine appartenant à sa grande cousine.

Ah oui, à propos de cette parente… Il était une fois

une jeune fille au teint de lys, aux cheveux noirs comme l’ébène et aux lèvres rouge sang, qui s’appelait Blanche Neige.
C’était une jeune femme moderne, entreprenante et très heureuse depuis qu’elle avait brisé le miroir magique sur la tête de sa sorcière de marâtre qui l’avait du coup lobotomisée mais pas du tout défigurée, et qui n’était plus mégère du tout. La brave dame était maintenant la seule et la meilleure grand-mère de tout le pays, un peu simplette mais très accueillante, et elle habitait dans la plus jolie petite maison des bois par delà le moulin.
Un jour, la jeune fille très ambitieuse trouva au détour d’une forêt une petite entreprise qui ne payait pas de mine, même si c’était une culture de champignons de Paris dans des anciennes mines. Ayant réuni ses maigres économies et intérêts de placements de toutes les pièces d’or cachées dans la double paroi du miroir, elle la racheta, décidée d’en faire la plus grande entreprise de la région. La production était acceptable, mais la maintenance laissait franchement à désirer. La plus grosse difficulté résidait dans l’ordre des locaux et l’hygiène corporelle de ses employés. C’était une fratrie de sept nains qui avaient toujours vécu dans les bois, livrés à eux-mêmes depuis la nuit des temps et qui n’en faisaient qu’à leur tête. Elle les avait observés, leur avait attribué un nom fort qualifiant et eut toutes les peines du monde pour remettre chacun à son travail et obtenir d’eux qu’ils se lavent et nettoient les lieux.
Au Prof un peu trop phraseur, elle fit des schémas mettant en évidence les vertus de l’hygiène, à Atchoum allergique, elle démontra l’influence de la poussière sur le rythme de ses éternuements, à Timide maladif, elle parla au creux de l’oreille et en tête à tête, à Joyeux exubérant, elle raconta une histoire drôle, elle embrigada Grincheux, contestataire né, en le mettant publiquement au défi de se laver, elle prit Simplet, abruti congénital, par les sentiments, quant à Dormeur tire-au-flanc, elle laissa faire les autres…
Au bout d’une semaine, elle était harassée, mais ces bons hommes étaient propres et l’atelier rutilait.
La production retrouva son meilleur niveau et l’entreprise obtint le premier label bio.
Elle put par la suite revendre l’entreprise en engrangeant un pécule et se constituer ainsi une dot tout à fait correcte pour séduire un beau prince charmant… (Mais… mais ceci est une autre histoire ! revenons à nos moutons, euh non… car le Loup les a tous mangés.)

Alors… Le petit chaperon rouge venait de découvrir un chemin beaucoup plus court pour aller chez son aïeule. Elle arriva donc avant le Loup. L’animal ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la Mère-grand, il heurta à la porte :
« Toc toc toc ». « Qui est là ? ». « C’est votre petite fille le Petit Chaperon rouge, dit le Loup, en contrefaisant sa voix, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre. »
La bonne Mère-grand, en pleine forme, mise au courant par sa petite fille de sa rencontre avec le Loup, et qui connaissait l’histoire par cœur (ce n’est pas une utopie), attendait derrière la porte avec un gourdin dans la main, et elle dit quand même : « Tire la chevillette, la bobinette cherra. »

Le Loup tira la chevillette, la porte s’ouvrit et le gourdin s’abattit sur la tête de l’animal et l’estourbit. Le petit chaperon lui ficela rapidement les quatre pattes ensemble, et avec sa grand-mère le balancèrent illico dans la poubelle que les éboueurs allaient vider le soir même dans leur camion-benne.

Le Petit Chaperon rouge regarda sa Mère-grand et lui sourit. Elle savait qu’elle vivrait enfant jusqu’à la fin des temps et ferait beaucoup d’heureux dans la contrée. Elles s’installèrent dans les fauteuils, célébrèrent leur victoire et répétèrent ces mots, les plus merveilleux du récit :
Ma mère-grand, que vous avez de grands bras ? C’est pour mieux t’embrasser, ma fille.
Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes ? C’est pour mieux courir, mon enfant.
Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles? C’est pour mieux t’entendre, mon enfant.
Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux ? C’est pour mieux te voir, mon enfant.
Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents ? C’est pour te manger.
Elles croquèrent toutes deux dans leur part de galette et la mangèrent.

J’ai révisé (euh, revisité) mes contes et écrit sur une idée d’Emilie pour ses plumes, avec les mots proposés et une image trouvée sur le Net, mais je crains la censure de la part des grands heureux restés enfants.

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