Le plaisir de tricoter

Les jours et les nuits se sont adoucis, je retrouve le plaisir de tricoter… Laine… moutons… chèvres…

Le plaisir de tricoter

« Dès que les chèvres ont brouté,
Certain esprit de liberté
Leur fait chercher fortune : elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains :
Là, s’il est quelque lieu sans route et sans chemins,
Un rocher, quelque mont pendant en précipices,
C’est où ces dames vont promener leurs caprices.
Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux chèvres donc s’émancipant,
Toutes deux ayant patte blanche,
Quittèrent les bas prés, chacune de sa part.
L’une vers l’autre allait pour quelque bon hasard.
Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche.
Deux belettes à peine auraient passé de front
Sur ce pont ;
D’ailleurs, l’onde rapide et le ruisseau profond
Devaient faire trembler de peur ces amazones.
Malgré tant de dangers, l’une de ces personnes
Pose un pied sur la planche, et l’autre en fait autant.
Je m’imagine voir, avec Louis le Grand,
Philippe Quatre qui s’avance
Dans l’île de la Conférence.
Ainsi s’avançaient pas à pas,
Nez à nez, nos aventurières,
Qui toutes deux étant fort fières,
Vers le milieu du pont ne se voulurent pas
L’une à l’autre céder. Elles avaient la gloire
De compter dans leur race, à ce que dit l’histoire,
L’une certaine chèvre, au mérite sans pair,
Dont Polyphème fit présent à Galatée;
Et l’autre la chèvre Amalthée,
Par qui fut nourri Jupiter.
Faute de reculer, leur chute fut commune.
Toutes deux tombèrent dans l’eau.

Cet accident n’est pas nouveau
Dans le chemin de la fortune. »

C’est à cette fable « Les deux chèvres » que j’ai pensé lors d’une randonnée cet été. Étais-je en si grande difficulté ? Assurément moins butée que ces animaux ou passage plus large, je n’avais en mémoire que quelques vers. J’ai cherché la suite, j’hésitais, je butais, l’avais-je vraiment sue, j’avais le temps pourtant… ce fut un long moment… Par chance, j’ignorais complètement la fin, celle de La Fontaine. Il me semblait qu’une chèvre se couchait pour laisser passer l’autre sur son dos, mais j’ai inventé pour me donner du courage sans doute. Les circonstances et des noms de cette fable m’échappaient, alors, j’ai trouvé un peu d’histoire: Jean de La Fontaine évoque l’événement de La Paix des Pyrénées en 1659
La paix dite des Pyrénées, est un traité signé le 7 novembre 1659, dans l’île des Faisans, sur la Bidassoa, par Mazarin, premier ministre de Louis XIV, et Luis Mendez de Haro, ministre de Philippe IV d’Espagne. La France, victorieuse à la bataille des Dunes, avec les armées dirigées par Turenne(1658), annexe Cerdagne et Roussillon, et reprend l’Artois cédé à Charles Quint en 1529. Le traité met fin aux hostilités entre la France et l’Espagne, en guerre depuis 1635. Il met surtout fin à la prééminence de la maison des Habsbourg, implantée à Vienne et à Madrid, au profit de la France, qui mène, sous Louis XIV, une ambitieuse politique d’expansion.
Le 9 juin 1660, la paix est scellée par le mariage de Louis 14 et Marie-Thérèse, Infante d’Espagne, en l’église Saint-Jean Baptiste, à Saint-Jean de Luz. (Louis XIV logea du 8 mai au 15 juin au second étage de Lohobiaguenea, qui prit le nom de Maison de Louis XIV, à Saint-Jean de Luz.)

La conclusion du mariage de Louis XIV avec sa cousine est l’une des plus importantes clauses du traité des Pyrénées, signé dans l’île des Faisans le 7 novembre 1659. Cinquante-quatre ans plus tard, elle permettra à Louis XIV de faire monter sur le trône d’Espagne son deuxième petit-fils, Philippe de France, duc d’Anjou.

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Et les pieds dans l’eau

La tête pleine de sable et les pieds dans l’eau.

Et les pieds dans l'eau

La laine pleine de sable et les pieds dans l’eau.

– Jacqueline est en vacances. Regarde sur le meuble la photo qu’elle m’a envoyée.

– Elle est mignonne cette carte postale. Sympas ces maillots de bain rétro.

– Ah? Tu crois qu’elle a pris le train et le métro ?

– Je dis : »un peu rétro les maillots de bain ».

– Oh il y a belle lurette que je ne lis plus Le Métropolitain.

– Depuis quand Jacqueline est-elle partie à la mer ?

– Sa mère ? je pense qu’elle s’était éloignée un peu,. Tu vois bien qu’elle la regarde au loin. Qu’as-tu apporté pour le repas de midi ?

– J’ai fait de la panse de brebis farcie et de la purée de pommes de terre et salsifis.

– Son mari ?! il est resté travailler à Dijon sans doute.

– Tu sais, c’est une boutade quand on parle de lui, Le Jacquemart !

– Dans la moutarde et il en a marre ?! Dans un sens, je comprends, mais je croyais que son nouveau boulot lui plaisait… ça m’a l’air bien bon ce que tu as cuisiné, tu pourrais ouvrir une bouteille de pinot, si tu veux.

– A consommer de l’alcool avec tes anti-inflammatoires, tu risques des maux d’estomac ou d’intestin.

– Et il observera les pingouins?!… Ah, je ne savais pas qu’il n’était plus à Dijon. C’est peut-être pour ça que Jacqueline m’a dit qu’il avait commandé une nouvelle voiture.

– Et sa voiture, Jacques l’a quand ?

– Jacques Lacan… sa brrrrb y est garée… Veux-tu me servir s’il te plait ? Je me sens fatiguée.

– Je vois que tu entends ce que je dis, mine de rien. Tiens, Mémé, dis-moi ce que tu en penses.

– Merci mon petit… Elle est bonne ta purée. Et la viande, délicieuse. Tu sais, tes cousins vont venir, et ça va être le ballet des visites jusqu’à ce soir. D’ici l’aube, la bouteille sera finie.

– Tu sais qu’il ne t’en faut pas trop.

– Ils se sont mis aux saltos ?! Quelle idée marrante. Je pense qu’ils m’en parleront. Tes cousins cachent bien leur jeu sous leurs airs pas très sportifs… Ne trouves-tu pas que le vin s’apprécie mieux dans de beaux verres.

– Bien sûr, mais avec tous tes médicaments, Mémé, contente-toi d’une dose infinitésimale.

– Bernique ! Ça ne m’a jamais fait mal. J’ai pris l’habitude d’apprécier un verre de vin de temps en temps avec ton grand-père quand il m’emmenait manger à la brasserie « La Rotonde » face à la gare… C’était au temps des locomotives à vapeur… Tiens, en te parlant, je sens encore l’odeur du ballast et du goudron… J’irais bien à la mer pour poser ma tête sur le sable et les pieds dans l’eau…

D’après les idées de deux lurons, ici, Épaisseur sans consistance et Métronomiques proposant des mots du dictionnaire et une photo de vacances. Et moi, j’ai pensé à Mémé, à son esprit vagabond comme une brebis égarée et les non-dupes errent… pour répondre à l’Agenda Ironique de septembre.

De jolies rencontres sous les mots

J’ai lu de belles histoires cet été et j’ai fait de jolies rencontres sous les mots, je partage avec plaisir ces quelques pages avec vous.

de jolies rencontres sous les mots

Je voulais vous parler de La vengeance des mères de Jim Fergus

Quatrième de couverture :

Enfin la suite de Mille femmes blanches. 1895. dans le but de favoriser l’intégration, un chef cheyenne, Little Wolf, propose au président Grant d’échanger mille chevaux contre mille femmes blanches pour les marier à ses guerriers. Grant accepte et envoie dans les contrées reculées du Nebraska les premières femmes, pour la plupart recrutées de force dans les pénitenciers et les asiles du pays. En dépit de tous les traités, la tribu de Little Wolf ne tarde pas à être exterminée par l’armée américaine, et quelques femmes blanches seulement échappent à ce massacre.
Parmi elles, deux sœurs, Margaret et Susan Kelly, qui, traumatisées par la perte de leurs enfants et par le comportement sanguinaire de l’armée, refusent de rejoindre la civilisation. Après avoir trouvé refuge dans la tribu de Sitting Bull, elles vont prendre le parti du peuple indien et se lancer, avec quelques prisonnières des Sioux, dans une lutte désespérées pour leur survie.
Avec cette aventure passionnante d’un petit groupe de femmes prises au milieu des guerres indiennes, Jim Fergus nous livre enfin la suite des Mille femmes blanches. Le miracle se produit à nouveau et cette épopée fabuleusement romanesque, véritable chant d’amour à la culture indienne et à la féminité, procure un incommensurable plaisir de lecture.

Quand on ouvre le livre, à la page 4, juste après la page de titre, il y a une note de l’auteur à propos de la photo de couverture :

La photographie reproduite sur la couverture de ce roman a été prise par L.A.Huffman à Fort Keogh, dans le territoire du Montana, en 1878. la jeune femme, dénommée Pretty Nose, était une chef de guerre amérindienne qui, à la fin du mois de juin 1876, s’est battue contre le 7ème de cavalerie du général Georges Armstrong Custer à la bataille de Little Bighorn, à l’âge de vingt-cinq ans. Apparentée à tort, selon diverses sources, à la tribu des Cheyennes du Nord, elle était en réalité arapaho. Les Arapahos étaient des alliés de Cheyennes, et les deux tribus unies par d’étroits liens de parenté. Pretty Nose avait également du sang français par son père, un marchand de fourrures canadien-français. Malgré les interdictions successives, prononcées par les autorités religieuses et gouvernementales, concernant les mariages entre différentes ethnies, religions et cultures, ceux-ci étaient déjà nombreux dans les Grandes Plaines pendant la première moitié du XIXème siècle, comme dans toute l’histoire de l’humanité.
Pretty Nose a vécu par la suite dans la réserve arapaho de Wind River, dans le Wyoming, jusqu’à l’âge d’au moins cent deux ans.

Ce qu’on peut ressentir à retrouver nos héros :

Après avoir attendu presque vingt ans pour lire cette suite de Mille femmes blanches, le récit reprend là où l’auteur l’avait laissé, en 1876, lors d’un raid sanglant de l’armée américaine sur un village cheyenne, dans un formidable hymne aux Indiens et aux femmes plus particulièrement.
L’heure est à l’extermination, et l’auteur garde toute sa fraîcheur d’écriture et sa science pour transcrire la gravité des faits et raconter la folle épopée de ce groupe d’irréductibles au cœur de l’un des conflits les plus meurtriers de ces derniers siècles.
Deux narratrices se succèdent au cours des scènes de la vie quotidienne et des tableaux guerriers. On retrouve Margaret Kelly, seule survivante du massacre de son village avec sa jumelle, Susan et Molly McGill, toute dernière recrue du programme, institutrice d’origine écossaise passée par la prison. Si les Kelly, submergées par la colère et le chagrin, sont prêtes à tout pour venger la mort de leurs enfants, McGill et les autres ne sont pas moins déterminées. On a patienté et ce sont de sublimes portraits de femmes que l’on trouve sous les mots de l’auteur. Elles vont préférer l’aventure dangereuse auprès des Cheyennes plutôt que des retrouvailles avec leurs tortionnaires blancs. Réfugiées dans le camp de Crazy Horse, elles partent retrouver Little Wolf et se battre contre l’armée américaine.

Si c’est possible en septembre

Si c’est possible en septembre parle de tes lectures de l’été, avais-je noté sur mon agenda

Si c'est possible en septembre

et ça tombe bien car chez Syl, Titine et Bidip, septembre est le mois américain et des contes et légendes. J’ai donc choisi Le Mayflower ou l’odyssée de Pères pèlerins et la naissance de l’Amérique de Nathaniel Philbrick.

Quatrième de couverture :
Automne 1620. Les cent deux passagers du Mayflower débarquent sur la côtes américaines. Affamés, craintifs mais forts de leur foi, ils entrent en contact avec les tribus indiennes, elles-mêmes fragilisées par les maladies et les conflits. Que s’est-il vraiment passé ?
L’histoire américaine, qui narre cette aventure comme une conquête âpre et glorieuse, a été en partie transfigurée par la légende. Nathaniel Philbrick revisite magistralement cette épopée grâce à de nombreux documents, portraits, journaux, des épisodes et des points de vue mal connus voire totalement méconnus. Il insiste en particulier sur les raisons pour lesquelles, après cinquante ans de cohabitation pacifique, l’une des guerres les plus sanglantes jamais menées sur le sol américain va opposer les Pères pèlerins à toutes les tribus de la région.
Le destin de la colonie de la Nouvelle-Angleterre prendra alors une autre tournure, plus complexe, troublante et foisonnante.
Nathaniel Philbrick est l’auteur de La véritable histoire de Moby Dick (National Book Award). Le Mayflwer a été finaliste de nombreux prix littéraires. L’auteur vit avec sa femme et ses enfants sur l’île de Nantucket.

Ce qu’on peut en dire:
L’île de Nantucket, à quelques encablures au sud du cap Cod, là précisément où aborda le Mayflower, en 1620.
C’est dans les archives que Nathaniel Philbrick est ­tombé sur le personnage de Philippe, chef de la tribu des Indiens wampanoag, qui mena une guerre contre les colons en 1675. Décidant de remonter le temps jusqu’au père de Philippe, Philbrick en vint à étudier l’arrivée puis l’installation des immigrés du Mayflower. Et c’est cette histoire qu’il nous conte ici, en confrontant les récits des contemporains de cette période avec les recherches historiques et archéologiques récentes.

Ce n’est pas anodin si mes lectures se sont portées sur ce récit, car depuis quelques années mon conjoint en retraite maintenant passe la plupart de son temps à répertorier les migrants de France métropolitaine vers les Amériques et ailleurs. Oui, oui, on a tous des cousins en Amérique. L’été dernier, j’ai enfin pu rencontrer quelques uns de ses collaborateurs sur ce sujet au grand congrès de généalogie qui avait lieu au Havre.

Ça n’a sûrement pas été une restitution facile à faire pour l’auteur car traiter du mythe fondateur de son propre pays est un exercice délicat. La date de 1620 à laquelle le Mayflower entreprit ce périple incroyable de Southampton en Angleterre jusque sur la côte est de l’Amérique du Nord, avec sa cargaison de femmes et d’hommes en quête de liberté religieuse, reste le moment du Début pour les Etats-Unis.
Artisans de toutes sortes, tisserands, cardeurs de laine ou cordonniers quittèrent l’Angleterre pour refaire leur vie en territoire inconnu. Après 5 000 kilomètres de navigation sur un océan cruel, ils ont abordé le 9 novembre 1620 au cap Cod. Soixante-cinq jours de traversée, à affronter les tempêtes, les maladies, la faim, et à tâtonner jusqu’à un abordage définitif en raison de l’imprécision des cartes. Des moments vraiment difficiles allaient seulement venir : le choc de l’exil, l’apprentissage matériel de la condition de colon, les conflits et combats avec les Indiens mais sans qui ces immigrants n’auraient pas survécu à un hiver rude et sans ressources.
Pourtant cinquante ans plus tard, une guerre meurtrière entre immigrants et autochtones, allait durer quatorze mois et faire cinq mille victimes dont les trois quarts indiennes. Ce conflit changea la face de l’histoire de la Nouvelle-Angleterre. C’est en tout cas la conviction de l’auteur. Un demi-siècle après le rêve de liberté qui habitait les passagers du Mayflower, un peuple en exterminait un autre et le déportait par bateaux vers les Antilles. Et c’est là que le mythe des Pères pèlerins vivace aux Etats-Unis est malmené, renversé, inversé… ou une belle manière pour l’auteur de saluer ceux qui parvinrent, malgré les événements, à ne pas considérer l’autre comme mauvais par nature qu’il soit Indien ou Anglais.