Ce pays avait toujours été un rêve d’enfance.
Quarante ans plus tôt, ses parents l‘y avaient emmené en randonnée et ils avaient séjourné dans un palace au cœur d’une forêt nichée entre deux lacs. Rien n’avait changé. Ni le parquet ciré, ni les vitraux, ni la sévère châtelaine qui le conduisit à sa chambre. Allongé sur le transat du balcon, il regardait aujourd’hui les mêmes lacs brasiller au soleil couchant, le même pêcheur se blottir dans sa barque au milieu de la brume. Les jours passaient, innombrables, ponctués par ses séances à la cure thermale et le glas de la loche le conviant à ses repas solitaires parmi les vieux couples qui chuchotaient. La nuit, son monde intérieur le réclamait depuis la mort de son épouse. Penché sur son bureau en marqueterie devant la baie vitrée, il écrivait obstinément malgré sa main droite meurtrie, lisait la transcription des épreuves, puis reprenait avec soin son dur témoignage d’amour, en éprouvante une impression croissante de complétude.
Extrait de « la constance du jardinier » de John le Carré, une magnifique histoire d’amour.
L’amour sait grandir en demeurant jeune…
N-L