Tiens, une goutte au coin de mon œil, le vent souffle et la pousse sur mon nez. Pleut-il ou est-ce une larme ? L’air est frais et je suis frigorifiée . Je sens une autre goutte couler sur ma joue. Je ne pleure, il pleut. Oh zut, il faisait si beau hier, et j’avais pensé étendre la lessive à l’extérieur. J’avais encore tant de choses à couper au jardin, juste pour profiter du dehors. J’avais repéré quelques pissenlits pour me faire une salade. Avec des œufs durs.
Il est temps de rentrer, j’ai les épaules trempées. La pluie s’est intensifiée et le vent souffle très fort. Les gouttes pleurent sur les vitres et je vois les jonquilles s’incliner jusqu’à terre pour embrasser le sol qui les nourrit. Mon tricot m’attend au coin du fauteuil. Il ne me reste plus beaucoup de rangs pour le terminer. Il est bien gonflé, il me semble. Je crois bien qu’il me regarde. Me reprocherait-il de lui avoir préféré le jardin ? Je ne le regarde pas plus. Mes yeux se posent sur mon livre dans mon sac béant. Lui aussi a un air de reproche. Plus que quelques pages, mais c’est toujours comme ça à la fin d’un livre. Je freine toujours ma lecture. D’ailleurs, comment se fait-il que mon sac soit ouvert ?
Je file dans la cuisine. Faute de pissenlits aujourd’hui, je ferai une entrée de carottes râpées, ou de betteraves rouges. Avec des œufs durs, ça mettra des couleurs dans mon assiette. Mayonnaise ou vinaigrette ? Un peu trop d’œufs, non? Surtout que j’ai une très forte envie de faire un gâteau. Tiens, et pourquoi pas un cake aux carottes ? Je mettrai les carottes râpées dans le dessert. Et pour le repas, j’ai préparé un navarin d’agneau au gingembre et oignons avec un riz cantonnais.
On a changé d’heure. Il est bientôt midi et je n’ai pas faim malgré tout ce que j’ai préparé. Je vais aller la chercher à la gare dans une heure. J’ai posé un petit paquet d’œufs en chocolat au coin de son assiette et j’ai plié les serviettes en silhouette de lapin. Juste pour la voir sourire.
Elle me parlera de ce qu’elle aura vu et vécu, elle me montrera ces nouvelles photos. Je lui montrerai ce que j’ai rangé ou découpé, de ceux que j’ai rencontré sur le livre de ma soirée. Elle aura son sourire moqueur sur mes rencontres de la nuit. On trinquera sur un sirop à la châtaigne, ou une bière peut-être, enfin, comme elle le voudra. Elle croisera les bras pour entendre la suite. Et puis on parlera de ceux-ci, de ceux-là tout au long du repas. On rira, car le soleil reviendra.
Quelle joli petit récit plein de ces choses de la vie, la nature, le repas, l’attente, la préparation, la rencontre, la conversation. C’est tout simple, juste et bon !
une journée tendre comme je les aime, merci 😉
Belle conteuse, tu l’es vraiment. J’espère que vous avez bien papoté et que ton coeur est rempli.
Oui, ma Tulipe, une journée comme je les aime, que du bonheur.