Jusqu’à la fin des temps ou l’infini. C’est ce que m’a inspiré ce chiffre 8 que j’ai cousu pour Pi Day et ce défi proposé par Sally Sellers dont je vous parlais ici. Je leur envoie mon carré aujourd’hui, pour que ce ruban soit assemblé à temps. Ce sera le 14 mars prochain pour ce siècle…
Et Aaron et Mehdi discutent toujours et pourraient argumenter jusqu’à l’infini… j’écris pour vous la suite de l’histoire commencée ici, puis là et là…
… Mehdi fouille la poche de sa veste à la recherche d’une cigarette, mais elle est vide.
A qui voudrais-tu qu’elle profite ? Nous sommes nés avec elle, nos parents et nos grands-parents aussi.
Non. Avant, nos ancêtres cohabitaient. Mais vous n’avez jamais voulu du partage.
Tu ne manques pas d’air ! Nous étions là avant vous et d’autres aussi. Vous avez érigé un mur, vous vous êtes comportés en colons.
Vous vouliez nous anéantir, nous n’avons cherché qu’à nous défendre.
En nous ôtant nos droits ? En nous humiliant ? Deux millions d’êtres humains dans un ghetto de quarante kilomètres de long et dix de large, que voulais-tu qu’il se passe d’autre que de vouloir en sortir, s’en sortir ?
Et pour cela, il fallait creuser des tunnels pour faire exploser vos bombes au milieu de nos femmes et enfants, tirer des roquettes sur nos villes ?
Et vous, bombarder nos quartiers, tuer des enfants par centaines ? hurle Mehdi. Vous n’avez rien appris de votre passé ? l’escalade , hein ?
Aaron se lève et se rend dans un coin de la pièce, le visage vers le mur. Mehdi choisit l’angle opposé et fait de même.
Combien de temps passent-ils ainsi dos à dos, aucun des deux ne le sait. Mais bien plus tard, apeurés par le silence écrasant, ils se retournent et leurs regards se croisent.
Ton père a les yeux bleus ; Mehdi.
Et comment le sais-tu ? tu ne l’as jamais connu, proteste Mehdi.
Parce que tu ne te regardes peut-être plus en face depuis longtemps, mais moi je te vois. Tu as les yeux bleus, et sans aucun doute le regrd de ton père, ça aussi c’est une histoire de gènes, répond Aaron.
Qui entretient cette haine ? reprend Mehdi.
Ceux qui ont pour ordre de nous attaquer, lâche Aaron en ricanant.
Et ceux qui ont pour ordre de vous défendre et de confisquer nos terres, ricane à son tour Mehdi.
Nous pouvons argumenter jusqu’à la fin des temps, aucun de nous n’aura raison. Ce sont nos Dieux qui s’affrontent.
Puis, Aaron baisse lentement la tête et murmure :
Je crois qu’on nous a menti, Mehdi.
Qui nous a menti ?
Les hommes de Dieu.
Tu dis vraiment n’importe quoi, les hommes de Dieu ne peuvent pas mentir, ils détiennent et portent la vérité.
Puisque tu en es si sûr, alors dis-moi qui a créé l’homme ?
Dieu, évidemment ! répond aussitôt Mehdi, tout en levant les yeux au ciel.
Dieu a créé tous les hommes ?
Tous les hommes, et les animaux, la mer, la terre, tout, absolument tout. Où veux-tu en venir ?
Si Dieu a tout créé, ce ne peut être que Lui qui a décidé que l’Humanité ne soit pas faite d’une seule couleur, Lui qui les a peintes, ces couleurs. Lui encore qui a voulu que nous ne parlions pas tous la même langue, que nous inventions des modes de vie différents, que nous ne priions pas de la même façon, que nous l’appelions par un nom différent…
Excuse-moi Aaron, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
Réfléchis, tout ce que je viens de dire porte un nom, Mehdi.
Silence.
Tu prétends que Dieu aurait voulu et inventé la différence.
Si tu crois que Dieu a inventé le monde, alors ce ne peut être que Lui l’auteur de sa diversité. Et Dieu ne peut en aucun cas demander aux hommes de détruire en son nom, ce que lui-même a créé !
Tu m’accorderas qu’il s’est un peu compliqué la vie et que la nôtre avec. Si nous avions tous été identiques, tout aurait été plus facile.
Plus facile, mais d’un ennui… la vie n’aurait eu aucun intérêt.
Tu ne crois pas que tu exagères un peu ?
Parce que tu vas me dire que depuis que nous sommes dans cette pièce aux murs uniformes et sans couleur, nous ne nous ennuyons pas ? Tu vas me faire croire que depuis que nous sommes ici, tu n’as pas rêvé de sortir et de retrouver ta vie d’avant ? Que soif ou faim, chaleur ou froid, tu ne donnerais pas tout pour retourner courir sur nos collines, revoir les rues de nos villages où se mélangent mille odeurs et parfums, mille couleurs, où même la lumière diffère au fil de la journée ?
Je ne te dis pas le contraire, mais je ne m’ennuie pas, en tout cas, pas depuis que nous discutons.
Et qu’est-ce qui te passionne au point de te faire oublier la monotonie de ce lieu, de quoi parlons-nous depuis tout à l’heure, Mehdi ?
De nos différences… souffle Mehdi.
Alors, Aaron et Mehdi s’observent longuement, non parce qu’ils n’ont rien d’autres à faire, mais parce que chacun réfléchit.
Tu crois que si on disait tout ça à nos proches, on réussirait à changer quelque chose ? demande Mehdi.
J’en doute.
Ça vaut peut-être la peine d’essayer, non ?
… (à suivre, demain)
Pensez-vous qu’ils vont y arriver? Je ne sais pas non plus si mon petit carré et son 8 arrivera et sera cousu sur ce ruban de Pi Day. En tout cas, j’aurai participé et ce ruban sera agrandit de 24cm! S’il ne fait pas encore jour quand je pars prendre le bus le matin, en tout cas à cette saison, il fait bien frais. J’attends parfois cinq ou dix minutes avant qu’il n’arrive et j’envoie mon 8 aujourd’hui pour les États Unis… Pensez-vous que mon petit carré y arrivera?…