…Sa jambe fine est couverte d’un bas de soie blanc à jour, gazée plus que couverte ; et son pied mignon chaussé d’un petit soulier noir. Elle porte les cheveux lisses, la tresse relevée par un grand peigne d’écaille à jour, et pour compléter la coiffure, une simple fleur de la saison est coquettement posée sur le coté gauche de sa jolie tête.
Comme la culotte du majo, la basquine de la maja est fort juste, et laisse tout deviner. Comme l’Andalouse n’a pas besoin de corset pour se faire une taille fine et une tournure, elle n’en porte pas, et rien, par conséquent, ne gêne la souplesse de son corps et la grâce de ses mouvements. Le cheval du majo a aussi son costume. Ses harnais sont tout chamarrés de bordures versicolores et il a la tête chargée de rubans et de pompons. La selle, en forme de fauteuil, et l’étrier, large et court, sont tout à fait arabes, et ce n’est pas la seule chose que l’Espagne d’Europe ait reçue en héritage de l’Espagne africaine.
Quand la malo voyage, il porte une escopette suspendue à la selle, et sa maja assise en croupe, le bras passé autour de sa ceinture. Fier de son double, de son triple fardeau, le bicéphale andalou n’en galope d’un pied ni moins sûr, ni moins agile, et ça n’a pas été pour moi le moindre intérêt de la foire que d’y voir arriver, des villages voisins, ces couples pittoresques.
Ce qui l’est le plus après eux, ce sont les bergers descendus avec leurs brebis des pâturages de l’Estrémadure et des hauteurs solitaires de la Sierra Morena. La plupart sont vêtus des pieds à la tête de peaux de mouton, si bien qu’on distingue pas le berger du troupeau. Quand il ne dort pas couché au soleil, l’escopette au coté, il s’appuie sur sa houlette garnie d’une crosse de fer, et il reste ainsi penché des heures entières dans une profonde immobilité.
A quoi pense alors le sauvage habitant de la montagne ? il rêve sans doute de trésors enfouis par les Arabes ; c’est la tradition universelle en Espagne ; il rêve, comme Pizarre, des mines du Pérou ; il bâtit dans l’air mille châteaux fantastiques ; il dresse des festins splendides, et retombant des hauteurs chimériques de ses rêves d’or à la réalité de son lit de gazon et de son pain noir, il se demande aussi, sans doute, pourquoi il est sur la terre, pourquoi il est pauvre quand il y a des riches, pourquoi il n’est pas le maître de ces troupeaux dont il a la garde…
Extrait de la gazette des salons – journal des dames et des modes dans les costumes parisiens. Il y a des lectures comme celle-là qui donne envie, qui éclaire un petit coin de tête quand on touche des tissus soyeux et colorés. C’est comme ça que j’ai eu cette idée de livre textile, mais il fallait simplifier la scène et les personnages…