Je continue la courtepointe du Grand chantier de la Mère Castor, comme elle nous l’avait proposé, avec le pouvoir de l’imagination et des mots de la page 227.
Des petites croix bleues se posent sur l’ouvrage. Quand elle est en fleur, cette croix ancrée plus mince que la croix ordinaire, ressemble à une garniture de bois entourant la poignée d’une manivelle, et la petite roue de bois allongée qui sert aux boyaudiers pour retordre les boyaux entoure le piton de fer carré rivé aux traverses des vitraux d’église et maintient les panneaux.
Il savait que le Niobium, corps métallique simple, avait été découvert en 1844 ; il a bluffé et les a niqués, il a gagné du 1er jet de dés en amenant le point annoncé. Comme une nitescence, une lueur brillait dans sa tête.
Toute la soirée on avait parlé de nitidiflore, de ces fleurs brillantes, de leurs boutons, et de la nitruration, ce procédé de durcissement superficiel de certains aciers par exposition dans une atmosphère nitrée ; il savait nitrurer, il avait appris à durcir l’acier par ce procédé de nitruration.
Ils aimaient niveler ensemble, vétiler et s’amuser à des riens. Ces bagatelles, ces nivèleries et ces badauderies faisaient le bonheur de leurs soirées, tout en passant le fil et l’aiguille, en accrochant les boutons.
Dehors, sur les trottoirs, les vasques étaient garnies de nivéoles, ce genre de plantes de la famille des amaryllidées, voisines des perce-neige. Les rues étaient emplies de senteurs de nizeré aux essences de roses blanches musquées ou de noble-épine. Et les fleurs des noctiflores s’épanouissaient la nuit.
Mais dans les ruelles, il fallait dégager les nocs encombrés de feuilles tombées. Les petits canaux construits dans une fosse sous les chemins n’allaient plus faire passer les eaux d’un coté à l’autre, et tout allait déborder. L’orage avait arraché les nochères, ces conduites formées de 2 ou 3 planches assemblées, qui d’ordinaire facilitaient l’écoulement des eaux, étaient détruites maintenant. On apercevait aussi quelques noctiluques, ces petits animaux microscopiques phosphorescents de la famille des protozoaires flagellés.
N’ayez crainte, ce n’est ni un noème, ni produit de mon intelligence. Je ne suis pas atteinte de noergie. C’est seulement la Mère qui le veut. C’est le pouvoir de l’imagination.
Le noie-chien est réparé. On ira naviguer sur ce petit bateau pour chasser le gibier d’eau cet automne. Le noir n’a toujours pas été poli ni blanchi à la lime, mais le noircissement est fait, on vient juste de graisser l’intérieur des moules dans la fonderie et le noir-ployant se voit maintenant, ces petites taches indiquent la ductilité du métal.
Je suis sur les rotules, et j’ai un nœud dans l’estomac aussi dur que celui de mon potier, mais on a pu faire les réserves de noix, d’artichauts et de morceaux d’épaules de cerf . J’ai nettoyé la languette de fermeture du battant de fenêtre.
La partie du mât de hune plus forte que le reste est laissée en renfort au-dessous du capelage pour soutenir les barres. Le cabestan a reçu les barres et les leviers de manœuvre.
Je prendrai la clé du robinet, et cette petite poulie à travers laquelle passe l’axe d’un dévidoir retiendra le fuseau de la Mère,
Il faudra aussi réparer la roue dentelée du moulin à café ou à poivre qui nous sert à broyer les grains après chaque récolte.
On entend le menuisier pousser le rabot qui fait sortir les moulures, pendant que j’adapte la roue de cuivre fixée au bout de mon parapluie pour retenir les baleines.
Mon aiguille court sur le tissu, sur les couleurs. Je suis mon idée depuis le début, ça avance! « Un projet sur douze mois » avait-elle dit. N’y pense-t-elle plus? Nous a-t-elle abandonnées? Elle est partie sur son Nil, avec Henri Pourrat, et moi j’ai du lin, « advienne que pourra »
J’ai repris l’aiguille pour matelasser, sans trop rêver pour que l’ouvrage avance….