Souffle caresse était un vent né voici fort longtemps. Comme il était tout petit, tout léger, tout doux, on ne lui prédisait pas un grand avenir.
Ici, au pays des vents, seuls survivaient les plus forts, les plus violents, ceux qui arrachaient les feuilles,
ceux qui déracinaient les arbres,
ceux qui démontaient la mer et qui auraient pu décroché les étoiles.
Au milieu de ces déchaînements, Souffle caresse paraissait plutôt inaperçu.
-« Va te cacher petit, le grand Mistral du Nord arrive, et crois-moi, par expérience, il vaut mieux ne pas être en travers de sa route… » lui conseilla Missouri, une feuille d’un arbre, occupée à consolider sa tige pour qu’elle tienne bien à sa branche.
Dans le même arbre, l’oiseau bleu cherchait à s’installer confortablement pour ne pas perdre ses plumes.
Allait-il choisir de rester vers les grosses feuilles de platane ?
ou de se caler dans un panier ?
Un peu plus bas dans le tronc, des lapins s’empressaient de clouer des planches à chaque nœud, histoire que le vent ne s’y engouffre pas.
-« Je me rappelle l’année dernière, un coup de vent avait pénétré dans le tronc et fait chuter toutes nos réserves bien rangées sur l’étagère…J’espère que cette année, nos renforts seront plus solides… » dit Lapin.
Toute cette agitation n’annonçait rien de bon. Souffle caresse décida d’attendre la bourrasque, là, niché entre Missouri et une autre feuille.
Au loin, on entendait un sifflement qui annonçait l’arrivée du grand Mistral.
Souffle caresse osa jeter un œil. Il aperçut en fond, un gros nuage chargé de milliers d’objets tourbillonnants, emportés par le puissant souffle.
Celui-ci grossissait à vue d’œil et le sifflement se fit grondement, au fur et à mesure qu’il approchait.
Dans l’arbre, tous se préparaient à subir le cataclysme. Les feuilles se rigidifiaient, les oiseaux tremblaient d’effroi, et se serraient les uns contre les autres
les lapins continuaient à clouer planches sur planches, avec effervescence.
-« Fouououhouhouh ! »
Les premiers souffles du vent se firent sentir. Les feuilles frémirent, les plumes des oiseaux se décoiffèrent, les planches des lapins craquèrent doucement…
Puis, cela monta en puissance. -« FOUOUF OUF OUOUF OUF ! » Les premières feuilles s’envolèrent,
les branches commencèrent à osciller, les planches se courbèrent…
-« FOUOUOUOUOUOUOUOUUUU ! »
Cette fois, c’était parti. Ils étaient dans le cœur de la bourrasque ! Les arbres se couchaient
Missouri se cramponna. -« Ne résiste pas, laisse-toi flotter dans le sens du vent, en mettant juste ce qu’il faut de tension dans ta tige pour tenir à ta branche… Courage, ça va aller ! » l’encouragea Souffle caresse, qui profita de sa frêle consistance pour s’alléger encore plus.
Pour les fruits, c’était la panique.
Mais le Mistral était fort. Il s’engouffra sous une plume de l’oiseau bleu, puis sous les feuilles de la branche et délogea victorieusement un fruit qu’il fit tournoyer avec panache dans son grand ciel.
Profitant de l’effroi, il en dénicha un deuxième qu’il envoya dans les airs.
-« FOUOUHOUHOUHOUHOUH ! » soufflait-t-il avec éclat.
L’oiseau bleu resserra ses plumes, les feuilles renforcèrent leur prise sur les branches, les lapins se cachèrent au plus profond de leur terrier, mais les fruits se détachaient les uns après les autres.
Alors Souffle caresse intervint. Il quitta Missouri, et se laissa porter à son tour par les tourbillons. Bientôt, plus transparent que jamais, il rejoignit l’un des fruits, qu’il enveloppa délicatement. Hop, il fila ensuite pour rattraper les autres. Voilà qui était fait !
Les fruits soigneusement lovés dans son souffle léger, il se laissa alors divaguer. En haut… En bas… à gauche… à droite… Les fruits suivaient le mouvement, dans leur ouate toute douce. Cela dura un long moment. Souffle caresse déposa délicatement les fruits à terre.
Le Mistral eut beau souffler son soûl, il ne parvint pas les faire tomber plus vite, empêché par un souffle transparent qui n’en était pas moins costaud.
-« FOOOUououh ouh ouh… »
Voilà, le Mistral semblait s’affaiblir, poursuivant sa route plus loin. L’oiseau bleu regardait ce manège avec admiration.
-« Je crois que les fruits sont intacts… » lança Lapin aux oiseaux, et aux autres lapins
En haut de l’arbre, Missouri applaudissait, heureuse.
-« Merci Souffle caresse ! » clamèrent les habitants de l’arbre.
-« Merci à vous tous ! » répondit Souffle caresse.
Tous les grands vents pouvaient désormais souffler, isolément et ponctuellement. Il savait qu’on resterait fort et imbattable devant les plus puissants, quand on est encouragé et aimé des autres.
La Terre était peuplée d’êtres vivants qui tous étaient dotés, devant leurs bouches, d’un souffle léger. L’amour était plus fort que les catastrophes!
d’après Valérie Bonenfant
A l’approche de la fête de la musique, j’ai pensé à l’oiseau siffleur, l’oiseau chanteur (je ne suis pas la seule) et j’ai subitement eu envie de vous montrer cet ouvrage « l’oiseau bleu et le vent souffleur »
Nous sommes 2 à l’Atelier à avoir eu envie de réaliser un ouvrage sur ce thème de l’oiseau dans le vent sur une branche.
J’ai eu le souffle coupé un instant !!!! Bravo tu laisses planer le doute jusqu’à la fin, une histoire comme je les aime… tout simplement Super !!!!